En octobre dernier, à l’aube d’un confinement qui allait provoquer une nouvelle fermeture des universités, Emmanuel Macron avait eu quelques mots pour la jeunesse et l’épreuve « ­terrible » qu’elle traversait, entre privations et fragilités matérielles : « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », estimait alors le président. Cinq mois plus tard, la situation ne paraît guère plus riante pour les millions de lycéens, d’étudiants, d’apprentis ou de jeunes salariés qui multiplient les appels au secours derrière la même bannière d’une « génération sacrifiée ».

Ce numéro du 1, réalisé avec la participation des étudiants du programme Médecine-Humanités de l’École ­normale supérieure, se penche sur leur situation pour mesurer l’étendue des dégâts, tout juste un an après l’envol de la pandémie dans notre pays. Et le constat des experts convoqués dans ces pages est glaçant. S’ils ont été relativement épargnés par le virus, les jeunes sont en effet les premiers touchés par ses conséquences : précarité accrue, explosion des cas de dépression, difficultés à nouer des relations intimes, perspectives d’emploi bouchées… À peine lancés dans la vie, ils ont vu leur trajectoire brouillée, leurs rêves éclipsés, le tout sur fond d’angoisse pour leurs aînés.

La fin de la crise sanitaire suffira-t-elle à leur rendre foi en l’avenir ? Alors que le couvre-feu reste la norme et le confinement l’exception dans certains départements, un léger frisson d’optimisme parcourt aujourd’hui la France. Pas encore une libération, tout juste un horizon qui semble se dégager, avec l’essor de la vaccination et la promesse des beaux jours. Déjà, on prépare la réouverture du pays, de ses bars, salles de concert, musées ou cinémas, comme autant de sésames pour une jeunesse enfin affranchie des interdits. Mais est-ce certain ? Il faudra d’abord s’assurer que les jeunes pourront facilement y avoir accès, si celui-ci est conditionné à un éventuel « pass sanitaire ». Il faudra surtout savoir quelle jeunesse aura le loisir de se précipiter dans cette nouvelle vie. Dans une tribune éclairante, l’économiste Philippe Askenazy met ainsi en garde contre ces nouvelles « Années folles » dont on annonce le retour. Car si beaucoup de jeunes piaffent d’impatience de pouvoir retrouver la fête, la liberté, l’insouciance, d’autres craignent des lendemains qui déchantent, plombés par une seconde crise, économique celle-là, plus effrayante que la première. Les premiers attendent que se desserre l’étau de l’État. Les seconds redoutent qu’il ne les laisse tomber, une fois la tempête passée. Et que pour eux, le temps des sacrifices ne soit pas encore terminé.

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