Éducation moins genrée : mission impossible ?
Temps de lecture : 9 minutes
Il était une fois, des parents qui tentaient de ne pas trop genrer leurs enfants. L’histoire se passe en 2021, dans le joli pays de France, et elle n’a rien d’un conte de fées.
Dès la grossesse, la société tente de fourrer le petit être dans une case. « C’est quoi ? » demandent les passants devant le ventre rebondi. « C’est un humain, normalement », répondent les plus sarcastiques. Les autres font de la pédagogie : ils ont choisi de ne pas connaître le sexe, c’est un détail pour eux… « C’est fou tout ce que ça trimbale comme imaginaire d’attendre une fille ou un garçon ! On n’annonce pas un sexe, mais un programme ! » s’agace Léa Domenach, réalisatrice du webdocumentaire L’École du genre et enceinte de son premier enfant. Le couple a choisi de ne pas savoir le sexe et prévenu l’entourage : « S’il y a des paillettes ou de la dentelle sur les cadeaux de naissance, ça part directement chez Emmaüs. »
Aïtor, le futur papa, va « évidemment » prendre son congé paternité prolongé, de 28 jours, et nourrir l’enfant autant que sa compagne. « Donner des biberons permet de facto une répartition plus équitable des tâches, analyse l’enseignant. On croit beaucoup à l’exemplarité. »
« Plus jeune, j’aurais pu tenir des discours un peu extrémistes contre l’allaitement, nuance Catherine, enseignante elle aussi, et féministe dans l’âme. Mais, dès que j’ai été enceinte, j’ai su que j’allais allaiter. Il y avait un truc charnel, de l’ordre de l’inné. » La théorie souffre donc des exceptions, et la suite de cette éducation « moins genrée » relève de la vigilance permanente. Les nourrissons filles seraient plus câlinées que les garçons ; leurs pleurs interprétés comme de la peur, ceux des garçons comme de la colère… Léa veut tout exorciser : « Si c’est une fille, on aimerait lui expliquer qu’elle est capable, la complimenter sur son courage et non sur son apparence. Si c’est un garçon, l’inciter à exprimer ses émotions. »
Très vite arrivera la bataille des vêtements. Catherine a pesté toute son enfance contre les robes à col et les souliers vernis qui l’empêchaient de courir avec ses cousins. Elle est donc « un peu embêtée » lorsque Athéna, 3 ans et demi, lui réclame une robe ou des barrettes. « Mais je ne veux pas dévaloriser tout ce qui est rattaché à la femme, souligne-t-elle. Je veux juste lui offrir tout l’éventail des couleurs, des goûts, des métiers… Ne pas lui imposer
« La distinction masculin-féminin ne sert plus qu’à discriminer »
Éric Macé
« Nous restons héritiers d’un patriarcat moderne qui a saturé la totalité de nos représentations et de notre organisation sociale. » Le sociologue analyse comment en Occident le carcan du genre – la subordination des femmes et la disqualification culturelle du féminin qu’il induit – a longtemps s…
[Épicènes]
Robert Solé
EN FRANCE, depuis 1993, les parents peuvent choisir librement le prénom de leur enfant, dans certaines limites. L’administration n’a voulu ni de Nutella pour une fille ni de Jihad pour un garçon… Elle a dû accepter, en revanche, que deux coup…
Éducation moins genrée : mission impossible ?
Hélène Seingier
« C’est un âge où ils sont très perméables. Après les avoir exposés au sexisme pendant des années, il est temps de leur ouvrir les idées », explique Laurence Faron, créatrice de la maison d’édition Talen…