En portant une copie de la casquette
en toile à visière en cuir que portait Hemingway
à la Finca Vigia – que ta mère t’avait offerte
pour te donner un côté mou, élégant,

et qui te donne la sensation
d’être une héroïne de Shakespeare
aux habits masculins et jouée par un garçon –
je me demande à quoi je ressemblerais en homme :

pas juste brave mais « devant
être vu pour être brave » comme Hem,
ou comme mon père, faible, nerveux,
« pas un homme », avait un jour rigolé ma mère.

Elle avait voulu un fils pour remplacer son frère,
mort pendant les derniers mois de la guerre en Birmanie,
J’ai essayé – quand j’ai commencé à saigner,
en coupant mes cheveux courts comme un garçon.

Puis, pendant que tu vibrais dans les courses de voitures volées,
je me suis changée
en fille – talons aiguilles, rigides
jupons en nylon, un brushing.

Tu as voyagé de guerre en guerre,
jusqu’à venir ici (…) où tu as entendu
parmi les chênes et les sapins et les bouleaux
un silence comme le silence à Plei Me (…)

En jouant à échanger nos chapeaux
nous flottons libres comme ces fantômes :
la nuit dernière, moi qui te chevauche,
notre pénis partagé

un pilier lumineux
qui glisse entre nous ; ce matin,
toi qui me laves, me savonnes et me rinces
avec la tendresse d’une femme.

Vicki Feaver, The Book of Blood, Jonathan Cape, 2006traduction inédite de L.C.

 

Les poèmes de l’Écossaise Vicki Feaver parlent de meurtrières et d’hommes dominés, de fleurs sexuées et de sang menstruel. En jouant avec les stéréotypes sans effacer les différences entre genres, elle promeut ici une intimité libre.

 

 

 

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