Vous attendez un enfant, un garçon. Vous viendrait-il à l’idée de le prénommer Prosper ? Sans doute pas. Les prénoms rétros sont pourtant à la mode : on ne compte plus les Arthur, Félix, Léon, Marius ou Victor.

L’absence de modèles y serait-elle pour quelque chose ? Il est vrai qu’en dehors de Mérimée, l’auteur de Colomba, on ne connaît guère de Français célèbres s’étant appelés Prosper. Ce prénom a cependant été très bien porté jusqu’au milieu des années 1925. Puis il n’a cessé de décliner. On attribue cette quasi-disparition à une chanson, Prosper (Yop la boum !), interprétée par deux vedettes du music-hall, Andrex et Maurice Chevalier. En quelques rimes simplettes, elle célébrait un proxénète de Pigalle : « C’est le chéri de ces dames / C’est le roi du macadam / Qui de Clichy à Barbès / Fait son petit business… » Comment associer un bébé à une telle dépravation ? Dans une famille honorable, la cigogne pouvait-elle apporter un maquereau ?

Une autre explication, plus actuelle, vient à l’esprit. « Prosper », comme chacun sait, est issu du latin prosperus, qui signifie « florissant ». Rien de plus mal vu aujourd’hui en France que d’afficher sa fortune. Si la prospérité de la nation est perçue comme un bien, une nécessité, la prospérité personnelle apparaît suspecte, pour ne pas dire condamnable. Alors que l’adversité – avec son cortège de douleurs et d’épreuves surmontées – est parée de toutes les vertus.

On veut bien faire porter à ses enfants les prénoms les plus ringards. Peut-être ira-t-on jusqu’à réhabiliter les Maurice, les Raymond, et même les Robert. Mais pas les Fortuné ou les Prosper. 

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