[…]
Où faut-il s’arrêter dans l’amour des richesses ?
Tu me demandes mon avis ? Je te réponds : « Doit nous suffire
Ce qu’exigent la soif et la faim, et le froid ;
Ce qui t’a suffi, Épicure, en ton jardinet, ou ce que
Contenait avant toi la maison de Socrate.
Car jamais la philosophie n’aura contredit la nature…
Trop austère, dis-tu ? Mêles-y quelque chose
De nos mœurs d’aujourd’hui, et va jusqu’à la somme
Que la loi d’Othon a fixée pour s’asseoir aux premiers gradins.
Tu fronces le sourcil et fais encor la moue ?
Prends deux fortunes équestres, et triple hardiment
Quatre cent mille francs ? Tu n’es pas rassasié ?
Tu en veux toujours plus ? Mais ni l’or de Crésus,
Ni les trésors de l’Orient ne parviendront à te combler,
Ni les richesses de Narcisse, à qui Claudius accorda tout,
Acceptant même, sur son ordre, d’assassiner l’impératrice ! »

Satires, traduit du latin par Claude-André Tabart
© Éditions Gallimard, 1996

« Qu’importe l’infamie, si l’on sauve la caisse. » Le satiriste Juvénal a le génie des formules. Il décrit une Rome impériale gangrenée par la luxure et l’or. Où le peuple, tout au pain et aux jeux, a oublié l’ancienne quête d’un « esprit sain dans un corps sain » pour le nouvel adage : « L’argent a toujours bonne odeur. » 

 

 

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