C'est une passion dévorante. Plus de deux mille collectionneurs d’étiquettes de fromage appartiennent au Club tyrosémiophile de France. Foin de grisaille, on est ici au royaume des couleurs chatoyantes. Les tyrosèmes (du grec ancien turós, « fromage » et sêmeîon, « signe distinctif ») ressemblent souvent à des images d’Épinal. L’appétit des collectionneurs est insatiable. Ils possèdent généralement des dizaines de milliers de ces merveilles dont les plus précieuses atteignent 200 euros.

 

Vous vous demandez certainement, chers lecteurs, si les tyrosémiophiles comptent des tyrophobes. La question est délicate. Peut-on avoir la phobie du fromage et adorer son emballage ? En principe, rien ne s’y oppose : nul besoin de se boucher le nez pour acheter, classer, consulter et admirer inlassablement des boîtes vides.

 

Les couvercles illustrés ont connu leur âge d’or entre 1895 et 1920, à une époque où ils constituaient l’essentiel de la réclame pour une marque. On y trouve des vaches, des fermières, des rivières… Et beaucoup de religieux joufflus, dont le savoir-faire ancestral ou la gourmandise présumée font vendre Les Deux Capucins, Le Camembert du bon père ou Le Péché du moine. Les fromages s’adaptent à l’actualité : au lendemain de la Grande Guerre, les laiteries commercialisent L’Ami des poilus, L’Entente cordiale ou Le Maréchal Joffre. L’industrie des années trente et quarante cultive les jeux de mots. Parallèlement aux peintures Pintou ou aux rasoirs Toupoil, on vend des fromages Potolé, Cécidou ou Revenezy.

 

Explorer le passé n’empêche pas les tyrosémiophiles d’être à l’affût des nouveautés. Le virus de la collectionnite les amène certainement à guetter les effets du Covid-19. Leurs petits-enfants s’extasieront peut-être sur des étiquettes de camembert mettant en scène Le Soignant masqué, Le Confiné gourmand ou le Restéchévous

 

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