La peau, le docteur Romain Bosc peut en parler pendant des heures : « Cet organe est le plus lourd du corps humain, il est effroyablement complexe. C’est aussi l’interface entre le monde intérieur et le monde extérieur. » Chaque être humain porte sur lui entre trois et cinq kilos de derme et d’épiderme. C’est le seul organe du corps qui s’étire de manière extraordinaire et peut reprendre forme, notamment grâce à l’élastine. On peut aussi travailler la peau pour la rétracter, la gonfler, la lisser. Même si on peine encore à la fabriquer intégralement, la remplacer ou encore la greffer sur une tierce personne sans traitements lourds. Médecin spécialisé en chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, Romain Bosc manie aussi bien le bistouri lors de premières mondiales en chirurgie que pour les traditionnels liftings, ou « opérations de vieillesse ». Il est impensable pour lui de dissocier les deux démarches : « Si ces opérations ne soignent pas le même type de défaut, la reconstruction du corps ne se conçoit pas sans la dimension esthétique. » Le Dr Bosc a choisi de faire de la chirurgie du cancer et de la reconstruction du sein sa spécialité, et tente d’en repousser les limites. 

Autrefois étudiant auprès des pionniers du domaine – les Drs Laurent Lantieri et Jean-Paul Méningaud –, Romain Bosc a assisté et participé à de véritables révolutions dans la chirurgie plastique, comme la greffe de visage ou la démocratisation de la microchirurgie dans la reconstruction. Cette dernière technique, assistée par microscope, permet de transférer de la peau en la rebranchant sur une autre partie du corps par le biais des microvaisseaux et des nerfs. « On peut donc travailler l’épiderme comme un puzzle : prendre du tissu cutané et de la graisse du ventre pour reconstruire un sein par exemple. » Si cette maîtrise très pointilleuse a mis du temps à se développer, elle est désormais presque routinière. 

Puis il y a eu la thérapie tissulaire, qui consiste à utiliser le potentiel des cellules souches graisseuses pour reconstruire une partie du corps, le visage, ou améliorer les cicatrices. « On prélève de la graisse par lipoaspiration et, après préparation, on la réinjecte pour restaurer des tissus disparus. » Longtemps pratiquée par des chirurgiens de manière empirique, cette technique a mis trente ans avant d’être théorisée et constitue désormais un axe de recherche majeur. « On peut dire que ce qui nécessitait des prothèses a été remplacé par la microchirurgie, et ce qui nécessite à présent la microchirurgie sera peut-être un jour remplacé par la thérapie tissulaire », résume le chirurgien. 

À cela, on peut ajouter la médecine esthétique, qui comprend entre autres les injections d’acide hyaluronique et de toxine botulique, appelées « fillers » dans le métier. « On a longtemps délaissé ces méthodes, ce qui a ouvert la porte à des pratiques mal encadrées avec des produits inutiles ou dangereux. C’est en train de devenir une véritable science qui rend des services à la chirurgie, et constitue un outil de plus dans l’arsenal thérapeutique. Les patients que je reçois souffrant de cancer attendent un résultat aussi fonctionnel que cosmétique. » 

Mais le grand projet de ce chirurgien passionné concerne les nouvelles technologies. Il a constaté ces dernières années l’utilisation de plus en plus systématique des smartphones dans les blocs opératoires. « Un des principaux enjeux est de pouvoir recueillir de l’information médicale en temps réel et de la communiquer lors d’une opération. On se surspécialise tellement qu’il faut constamment travailler en équipe avec tous les corps de métier. Le téléphone a simplifié et accéléré ce contact. » En pleine opération, un médecin peut désormais envoyer instantanément l’essentiel du dossier médical d’un patient à un collègue pour qu’il prenne connaissance de sa pathologie. Si cela ne remplace pas la consultation, il suffit parfois d’une photo pour avoir la réponse. « La qualité de l’objectif et de l’écran des smartphones a dépassé l’œil humain : avec, on peut identifier une empreinte digitale à six mètres ! Si j’ai un doute à propos d’une tache sur la peau d’un patient, j’envoie la photo à un confrère dermatologue qui va me répondre. » Même si rien ne remplace le contact entre un médecin et son patient, peu à peu le téléphone intelligent se transforme en instrument médical et augmente les capacités de perception du praticien.

Récemment, Romain Bosc a intégré la réalité augmentée à ses interventions, à l’aide de lunettes intelligentes munies de deux écrans : « J’opère non plus à travers ce que je vois, mais à travers la caméra des lunettes, qui optimise la vision. Je vois le patient “augmenté” et je peux rajouter des informations : les microvaisseaux du patient vont s’afficher par exemple. » Auparavant, pour opérer une tumeur du sein de 5 mm, il fallait retirer une grosse partie de l’organe. La réalité augmentée sert à localiser avec un maximum d’exactitude le fragment à extraire. « Et ce n’est pas tout ! » continue le Dr Bosc, toujours électrisé quand il parle de son métier. « Ces lunettes intelligentes fonctionnent en miroir : elles permettent de montrer à tout le bloc opératoire ce que je vois. Cela va révolutionner l’enseignement de la chirurgie. » De même, le professeur peut partager le champ de vision de l’étudiant et ajouter des paramètres pour que l’écran devienne vert si les mains sont bien placées, rouge dans le cas contraire. 

Le service où il opère est le premier au monde à avoir publié des articles scientifiques sur ce système, développé en partenariat avec une start-up française. « Néanmoins, tempère Romain Bosc, les lunettes de réalité augmentée, le robot chirurgical ou les smartphones n’ont pas encore d’intelligence propre. Ce sont des outils extraordinaires dotés de capacités de calcul immenses qui permettent d’améliorer la vision, l’information ou la précision des gestes opératoires. » Mais, avec ou sans outil technologique, c’est toujours la main du chirurgien qui opère, avec ce contact irremplaçable sur la peau du patient. 

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