Les personnages de Philip Roth ne sont jamais des gens bien dans leur peau : ambigus, frustrés, écrasés par le puritanisme yankee, ils dissimulent leur mal-être sous un vernis social souvent prêt à s’écailler. Coleman Silk, personnage central de La Tache, est de ceux-là. Cet universitaire quasi septuagénaire, professeur réputé, est un jour accusé de racisme pour un mot malheureux envers deux de ses élèves. Une véritable cabale se met alors en place, aggravée par la découverte de sa liaison avec une femme de ménage illettrée ayant la moitié de son âge. Humilié, méprisé, le vieil homme se tourne alors vers son ami Nathan Zuckerman, afin que celui-ci couche par écrit sa vérité : Coleman Silk est en réalité lui-même issu d’une famille noire, mais la pigmentation claire de sa peau lui a permis, depuis plusieurs décennies, de se faire passer pour un Blanc… Violente charge contre le politiquement correct et le moralisme à l’œuvre outre-Atlantique – le roman se déroule en pleine affaire Lewinsky –, La Tache met en lumière les assignations raciales, le poids de la peau dans un pays dérouté par la différence. « Depuis sa plus tendre enfance, tout ce qu’il avait voulu, c’était être libre : pas noir, pas même blanc, mais indépendant, libre. » Pour cela, l’ambitieux Coleman Silk devra opter pour le mensonge, au mépris de sa famille et de ses origines. Et Philip Roth de signer un chef-d’œuvre sur le racisme, et le désir forcené d’un homme de ne pas voir son identité réduite à la couleur de sa peau.  

Philip Roth, La Tache, Folio, 2004

Illustration  : God saw I was Dog / Dog saw I was God,Peter A. Hutchinson, 1975
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian © Peter A. Hutchinson

 

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