Istanbul est une ville-volcan (et la répétition des troubles récents, après tout, manifeste une vitalité démocratique, et laïque, hors du commun), l’une des mégapoles qui montre une inlassable force dans l’action et dans sa vie quotidienne. Je l’ai ­fréquentée par tous les temps, et dans toutes ses humeurs. L’énergie de la cité (plus encore que sa ­sublime beauté) m’a toujours sauté à la figure. 

Embarcadères des ferries. Départs et arrivées, à tout instant. Coups de trompes, fumées, remous, musiciens aveugles. Poésie cosmique, carnaval de passions et d’aventures. Les gens courent, font un saut en Asie, reviennent. Rupture du jeûne dans le quartier d’Eyup, les soirs de ramadan ; etc. Partout la ville explose, travaille (combien de Turcs ont deux métiers), fait la fête. Le Bosphore est l’axe de la vitalité ; le mot Bosphore vient d’un mot turc qui signifie l’aorte.

Cette énergie semble nous manquer, à nous Français. Elle est pourtant consubstantielle à notre identité. Mais nous l’utilisons contre nous-mêmes (querelles, divisions ­absurdes) ou nous la laissons en jachères (Mormeck, le boxeur, pense avec raison que la ­banlieue contient des nappes inexploitées d’énergie). Manuel Valls parle d’un pays « entravé et ­tétanisé ». Libérons-nous de nous-mêmes, des sectaires et des donneurs de leçon ! Un peu d’unité nationale, une ­vision, un cap ferme, trancheraient les entraves d’une énergie que l’on nous envia partout, y compris sur les bords du Bosphore. 

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