EN FRANCE, on n’étale pas son argent, on évite même d’en parler. Seul un malotru aurait l’idée de vous demander : « Combien gagnez-vous ? » Les raisons de ce tabou remontent, paraît-il, très loin dans le temps. Elles tiendraient à la double influence du catholicisme et du marxisme, mais aussi à l’origine rurale d’une majorité de familles françaises qui avaient l’habitude de dissimuler leurs louis d’or…

L’argent est cependant partout, et dans toutes les têtes. C’est, avec le sexe, l’un des mots les plus déclinés en argot français. Fric, pognon, thune, pèze, pépètes… Tout est bon pour toucher au grisbi. Oseille, blé, avoine, biscuit, cacahouètes… Le Français a toujours l’eau à la bouche, surtout s’il est sans un radis.

L’argent, ce flemmard, dort parfois à la banque, mais le plus souvent on le fait travailler. Quitte à le jeter par la fenêtre s’il brûle les doigts. Gouverner le monde ne l’empêche pas d’être très négatif : il ne tombe pas du ciel, ne pousse pas dans les arbres, ne fait pas le bonheur, n’a pas d’odeur (même si, comme disait Tristan Bernard, « à partir d’un million, il commence à se faire sentir »).

Les loteries, par tirage ou grattage, n’ont jamais attiré autant de Français. Les jeux d’argent et de hasard représentent désormais près de 11 % des dépenses liées aux loisirs et à la culture. Ne parlez pas de bitcoins à ces nababs potentiels : ils n’ont que faire d’une monnaie insaisissable, sans cours légal. Ils rêvent de valises pleines de billets et, plus concrètement, de virements à sept, huit ou neuf chiffres, transformables en villas, yachts, voitures de sport et autres fantaisies sonnantes et trébuchantes. Pas de cryptomachins, mais du liquide bien solide. 

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