Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,Dans votre solitude où je rentre en moi-même,Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute aet qui m’aime !Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,Forêt ! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,C’est sous votre branchage auguste et solitaire,Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,Et que je veux dormir quand je m’endormirai.

Victor Hugo, « Aux arbres », Les Contemplations, 1856

 

« L’arbre qui vient de semence est lent à croître, et ne donnera de l’ombre qu’à tes arrière-neveux. »

Virgile, Les Géorgiques, v. 30 av. J.-C.

 

Peu de choses m’étonnent. J’ai obtenu de ma vie ce que je voulais, et même plus. J’ai eu ma vie tout entière. Des jours aussi nombreux que les feuilles de la forêt. Je suis un vieil arbre creux, il n’y a plus que les racines qui vivent encore. Et je ne rêve que les rêves de tous les hommes. Je n’ai pas de visions, pas de désirs. Je vois ce qui est. Je vois le fruit qui mûrit sur la branche.

Ursula Le Guin, Le nom du monde est forêt, 1972

 

J’aime (manifestement) beaucoup les plantes, et par-dessus tout les arbres, et il en a toujours été ainsi ; et j’ai autant de mal à supporter les mauvais traitements que leur font subir les humains que d’autres les mauvais traitements subis par les animaux. […] Il y avait un très grand arbre – un immense peuplier avec de vastes branches – que je pouvais voir de ma fenêtre même lorsque j’étais dans mon lit. Je l’aimais beaucoup et me souciais de lui. Il avait été sauvagement mutilé quelques années auparavant, mais de nouvelles branches avaient courageusement repoussé – sans toutefois qu’elles aient bien entendu la grâce sans défaut de son être naturel d’avant ; et voilà qu’une voisine folle s’est mise à faire campagne pour le faire abattre. Tout arbre a son ennemi, peu d’entre eux ont un défenseur.

J.R.R. Tolkien, dans une lettre à Jane Neave, septembre 1962

 

« Le murmure d’un verger d’oliviers a quelque chose de très intime, d’immensément vieux. C’est trop beau pour que j’ose le peindre ou puisse le concevoir. »

Vincent Van Gogh, dans une lettre à son frère Théo, 29 avril 1889

 

Toute besogne est joyeuse à besogner. C’est un plaisir même d’abattre un arbre. C’est un plaisir d’entrer profondément la hache en travers, et de tailler ensuite tout droit, et de planter sa cognée en plein tronc, plus loin, toujours plus loin.

J’avais complètement oublié le putiet et ne songeais qu’à l’abattre plus vite. Quand je fus hors d’haleine, je déposai ma hache, et, le paysan et moi, nous nous arc-boutâmes contre l’arbre, essayant de le renverser. Il se fit un mouvement ; l’arbre se mit à balancer son feuillage, secouant des gouttes de rosée ; et les pétales brisés des fleurs blanches, des fleurs odorantes, tombèrent sur nos fronts.

À ce moment même, quelque chose, me sembla-t-il, cria, craqua dans le milieu de l’arbre. Nous redoublâmes d’efforts ; un nouveau craquement se fit entendre, semblable à un sanglot, et l’arbre tomba.

Léon Tolstoï, « Le Putiet », Récits de botanique, v. 1860

 

« Vous savez, je ne comprends pas comment on peut passer devant un arbre et ne pas être heureux parce qu’on le voit. »

Fiodor Dostoïevski, L’Idiot, 1869

 

L’arbre est le frère de l’arbre ou son bon voisin. Le grand se penche sur le petit et lui fournit l’ombre qui lui manque. Le grand se penche sur le petit et lui envoie un oiseau pour lui tenir compagnie la nuit. Aucun arbre ne met la main sur le fruit d’un autre ou ne se moque de lui s’il est stérile. Aucun arbre, imitant le bûcheron, ne tue un autre arbre. Devenu barque, l’arbre apprend à nager. Devenu porte, il protège en permanence les secrets. Devenu chaise, il n’oublie pas son ciel précédent. Devenu table, il enseigne au poète à ne pas devenir bûcheron. L’arbre est absolution et veille. Il ne dort ni ne rêve. Mais il garde les secrets des rêveurs. Nuit et jour debout par respect pour le ciel et les passants, l’arbre est une prière verticale. Il implore le ciel et, s’il plie dans la tempête, il s’incline avec la vénération d’une nonne, le regard vers le haut… le haut. Dans le passé, le poète a dit : « Ah si le jeune homme était une pierre ». Que n’a-t-il pas dit : « Ah si le jeune homme était un arbre ! »

Mahmoud Darwich, « Ah si le jeune homme était un arbre », dans La Pensée de midi, no 26, 2008

 

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