Ma première rencontre avec Molière, c’est un dimanche à la Comédie-Française. J’avais 11 ans. Mes parents étaient de condition modeste mais ma grand-mère, plus aisée, m’avait offert cette grande sortie bourgeoise où tout était à mes yeux un événement : le chocolat chaud, les dorures de l’entrée, et puis surtout L’Avare, la scène de fin spectaculaire avec l’arrivée du seigneur Anselme qui était joué par Henri Rolland, la voix de ce grand maître de la diction dont j’ai retenu toute ma vie cette réflexion : « Un vers de Molière, c’est une prose qui aurait mis son smoking pour aller voir les gens. » Sa réplique de fin dans L’Avare a résonné en moi comme une trompette royale. Il arrivait sur scène depuis la porte du fond, faisait ce qu’on appelle le grand salut en frappant trois fois sa poitrine de son chapeau à plumes, et lançait : « Qu’est-ce seigneur Harpagon ? Je vous vois tout ému. » Ce fut une révélation. Le soir même, j’ai dit à mon frère Bernard, dont je partageais la chambre, que je serais comédien de théâtre. À partir de là, tous les dimanches matin, une fois obtenu mon argent de poche, je filais faire la queue

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