Jean-Baptiste Poquelin est né il y a quatre cents ans, le 15 janvier 1622. Il est mort cinquante et un ans plus tard, après les quatre premières représentations du Malade imaginaire. Entre-temps, il était devenu Molière, acteur, directeur de théâtre et de troupe, l’auteur de 35 pièces, dont plusieurs ont traversé les siècles et les frontières. Comment l’œuvre d’un homme baptisé sous Louis XIII, disparu aux premiers temps du règne personnel de Louis XIV, peut-elle susciter un intérêt toujours aussi vif ? Comment une langue aussi lointaine peut-elle parler à des jeunes nés un portable à la main ? Comment est-il resté notre contemporain ?

C’est ce que tente de comprendre ce hors-série exceptionnel. Dans un grand entretien, Patrick Dandrey, spécialiste de la littérature du XVIIe siècle, analyse son talent comique entre Chaplin et de Funès, la profondeur de son inspiration : mettant en scène des fous – Harpagon, Alceste, Orgon, Argan… – qui personnifient « des chimères et des marottes » éternelles, il se servait du rire pour « débusquer les erreurs et les illusions du monde », ce qui fera dire à Stendhal qu’il était « le grand peintre de l’homme tel qu’il est ».

La figure de Molière fait partie intégrante de notre patrimoine et pourtant on ne sait presque rien de lui. Faute d’archives, nous explique le professeur Georges Forestier, une fiction s’est construite à partir des personnages que l’artiste a imaginés et incarnés : jaloux, hypocondriaque, atrabilaire… On a confondu l’artiste et ses créations. À l’instar d’Homère ou de Shakespeare, il a forgé des archétypes qui sont entrés dans notre conscience collective avant de devenir lui-même un personnage imaginaire et mystérieux.

Pour mieux l’appréhender, nous avons demandé à ceux qui le côtoient, comédiens et metteurs en scène, de nous raconter leur Molière. Tous s’accordent sur la puissance de ses vers et de sa prose – laquelle est difficile à jouer, surtout quand on débute. La plupart l’aiment en bloc. Certains cultivent des affections particulières : Catherine Hiegel apprécie les excès des Femmes savantes. Guillaume Gallienne vénère le rôle d’Agnès dans L’École des femmes. Denis Podalydès est ému par « le rire mêlé de tragique » des Fourberies de Scapin. Jacques Weber a endossé tous les grands rôles et, s’il fallait n’en retenir qu’un, il en choisirait deux, Philinte et Alceste, les deux faces du Misanthrope, « l’urgence d’être sage et celle de se rebeller ».

L’année 2022 sera l’occasion de revisiter le merveilleux legs de « Monsieur de Molière ». En juin, la metteuse en scène Julie Deliquet clôturera l’hommage de la Comédie-Française à travers une création sur la troupe que Molière a dirigée en égales parts avec Madeleine Béjart, une démocratie égalitaire où femmes et hommes recevaient les mêmes cachets. Sacrés artistes ! 

Vous avez aimé ? Partagez-le !