S’il fallait résumer le Tour de France de manière froide et concise, il suffirait de le cantonner à la course que se mènent 198 cyclistes sur 3 360 kilomètres découpés en 21 étapes. Seulement, cette comptabilité ne prend pas en compte les variables : le nombre de nids-de-poule ou de pavés assassins, ni le nombre de canettes de bières bues par le supporter batave entre le passage de la caravane et celui des coureurs.

Aux origines du Tour, il y a le journal L’Auto. Nietzsche qualifiait la presse de « fausse alerte permanente » mais on peut lui opposer le plaisir non quantifiable de relire les 524 chroniques d’Antoine Blondin, qui aura parcouru sur les routes du Tour « 100 000 kilomètres dans le sillage de postérieurs court vêtus et relativement inexpressifs. »

À l’ère des oreillettes et des capteurs de puissance, les coureurs sont accusés de pédaler en comptable, le nez rivé sur leur cardiofréquencemètre, pour ne livrer un bras de fer de watts et de VO2max que dans les ultimes hectomètres. Ainsi, les 253 kilomètres d’échappée d’Albert Bourlon n’ont pas été inquiétés depuis 1947, mais n’en déplaise aux mauvaises langues, le cycliste amateur a droit à un lot de consolation. Grâce à Strava, il peut comparer ses sorties avec celles des pros inscrits sur ce réseau social, et tenter de leur ravir le KOM, le « King of the Mountain », la distinction suprême sur un segment défini. Thibaut Pinot est aujourd’hui le détenteur du KOM de l’Alpe d’Huez avec 44’01’’. Nous sommes loin du record d’ascension arraché par Pantani en 36’40’’, mais il se pourrait bien que le référent digital ait remplacé celui des chronomètres Festina dans le cœur des cyclistes contemporains. La 20e étape devrait remettre les pendules à l’heure.

Si le cyclisme est un sport de chiffres, où tout est calculé comme les grammes sur le corps de Christopher Froome, il sait également les manipuler en sa faveur. Alors, Armstrong a-t-il 7 Tours à son palmarès ou un zéro pointé ? Cultivons plutôt notre jardin. Cela fait 29 ans qu’un Français n’a pas gagné le Tour. Y aurait-il un courageux pour nous éviter la crise de la trentaine ?

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