À quoi reconnaît-on un Gafa, avec son variant Gafam si on veut tenter d’appréhender la réalité souvent insaisissable des géants du Net ? D’abord à la nécessité de nommer ce que ces acronymes recouvrent. Google, Apple, Facebook et Amazon sont les Gafa. Ajoutons le m de Microsoft et on obtient les Gafam. On pourrait y ajouter le y de YouTube, ce qui donnerait Gafamy. Mais YouTube est déjà dans le g de Google, dont il est la propriété depuis 2006… Un moyen mnémotechnique simple et un peu potache pour s’y retrouver ? Gaffe aux Gafa ! Quant aux Gafam, d’aucuns seraient tentés de les marier à l’infâme qu’il faudrait écraser…

 

N’en déplaise aux esprits voltairiens, nous en sommes loin. Il faut se faire une raison dans ce monde qui la perd. Et c’est bien le défi lancé à nos démocraties : les plateformes numériques et les réseaux sociaux nés en leur sein sont là pour durer, avec leur lot d’excès – harcèlement et désinformation – qu’il faudra bien apprendre à endiguer. S’il est absurde de les diaboliser et irréaliste de vouloir les supprimer, il est impératif en revanche d’en percer le fonctionnement. Et de les soumettre à un système de contrôle efficace. Sous peine de voir nos démocraties chanceler, voire sombrer sous le flot des haines identitaires ou communautaires et des attaques complotistes libérées par ces boîtes de Pandore.

 

Dans son ouvrage J’ai vu naître le monstre : Twitter va-t-il tuer la #démocratie ?, le journaliste du Monde Samuel Laurent, qui dirigea pendant cinq ans le service des « Décodeurs » du site lemonde.fr, cite le philosophe des sciences Karl Popper : « La société qui offre une tolérance sans limite risque d’être détruite par l’intolérant. » C’est bien de limites qu’il s’agit. Comment les définir ? Où les poser ? Comment les faire respecter ? La semaine passée, les députés ont voté de nouvelles règles qui devraient s’imposer aux Gafam dans le cadre de la future loi « séparatisme ». Elles vont des comparutions immédiates pour les appels à la haine à toute une batterie de responsabilités supplémentaires. Le législateur veut ainsi obliger les Gafam à avoir un représentant clairement identifié en France (ce n’est donc pas le cas ?!). Il leur demande en outre de signaler le nombre de modérateurs pour les contenus publiés dans notre pays. Et, tabou des tabous gardé par le sacro-saint secret des affaires, de soumettre leurs algorithmes à une évaluation du CSA ! Des mesures qui, au passage, en disent long sur la puissance et l’opacité de ces entreprises. On devine déjà la résistance qu’elles opposeront à ces exigences. Reste à nos institutions à se hisser au niveau de compréhension, donc de compétence, qui seul permettra une régulation efficace de ces acteurs aux technologies affûtées. Forger les outils du contrôle suppose d’investir dans ces nouveaux savoirs et de les partager à l’échelle de l’Europe. Les Gafam ont encore de beaux jours devant eux… 

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