POUR VAUGELAS, le célèbre grammairien du XVIIe siècle, le plus beau mot de la langue française était « jardin ». Peut-être parce qu’il restait associé à l’idée de paradis : l’Éden dont Adam et Ève s’étaient fait chasser pour une stupide histoire de pomme, mais auquel pouvaient aspirer d’irréprochables défunts… Toujours est-il que le terme – issu pourtant d’une sévère racine germanique désignant la clôture (gart ou gardo) – continue à nous enchanter. Aux jardins publics et aux jardins privés, s’ajoutent de plus en plus de jardins collectifs qui permettent de s’offrir un petit paradis, de créer du lien social ou de faciliter l’insertion de personnes marginalisées.

Outre le potager et le verger, les monastères du Moyen Âge comptaient un « jardin des simples ». Rien à voir avec « les pauvres en esprit » auxquels l’Évangile promettait le Royaume des cieux : c’était l’espace consacré aux plantes médicinales. Y figurait toute la pharmacopée d’alors, dont un arbrisseau à fleurs jaunes – la rue, connue sous le nom d’herbe de grâce – qui était censé avoir un pouvoir… anti-aphrodisiaque. Ses feuilles, hachées et mêlées aux aliments, « apaisaient les bouillonnements excessifs du sang chez l’homme » et permettaient donc aux moines de ne pas succomber au péché de chair.

Cette herbe n’a rien à faire dans les jardins collectifs de nos villes. Jardiner, qui signifiait à une certaine époque avoir une aventure galante, est un plaisir partagé, un état de grâce. 

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