Le sucre cristal, ou sucre d’usine,
montre la plus instable des blancheurs :
ceux de Recife savent d’emblée combien,
et combien peu est ce combien, elle dure.
Ils savent la part minime de ce peu de temps où le
cristal se stabilise cristal sur le sucre,
par-dessus le fond ancien, de cassonade,
de la cassonade marneuse qui incube ;
et ils savent que tout peut rompre ce temps minime
où le cristal est doué de censure :
car ledit fond de cassonade affleure vite
dès lors que l’hiver ou l’été niellent le sucre.

Seuls les vieux fourneaux encore en vie purgent encore
le sucre brut telle de la marne, sucre mêlé ;
l’usine ne le purge plus : dès l’enfance,
et non après l’âge adulte, elle l’éduque ;
dans des infirmeries, par vides et turbines
sous les mains de métal des gens industrie,
l’usine le conduit à sublimer en cristal
le bistre de la mélasse : pas de purge, une cure.
Mais comme on fait de la canne encore aujourd’hui,
sous les mains de marne des gens agriculture,
la marne de la pré-enfance affleure vite
dès lors que l’hiver ou l’été niellent le sucre.

Le Brésilien João Cabral de Melo Neto manie les mots et leurs objets avec précaution. On retrouve la sécheresse de son sertão natal dans l’austérité de ses vers. Et le génie d’un confiseur dans le cristal de ses images. Comme si le réel nous était restitué sucré, avec son épaisseur de diabète et d’industrie. 

 

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