Tout peut arriver
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Dans un peu plus d’un mois, l’Amérique saura si elle tourne la page Donald Trump ou si elle s’offre un ticket pour quatre années supplémentaires sur les montagnes russes de cette présidence pas comme les autres. Le 3 novembre tombera le verdict des urnes. Ou pas. Peut-être faudra-t-il attendre quelques jours, afin de décompter l’ensemble des bulletins de vote arrivés par la poste. Ou patienter quelques semaines, le temps que la Cour suprême statue sur les plaintes et les réclamations des perdants, dans un remake du duel Bush-Gore de 2000. Ou davantage encore, si jamais le locataire actuel de la Maison-Blanche venait à refuser sa défaite, comme il l’a encore répété ces derniers jours, et prolongeait son bail au-delà de son terme. « Nous voulons être sûrs que l’élection est honnête, et je ne suis pas sûre qu’elle puisse l’être », clame-t-il à l’envi, dénonçant à l’avance ce qu’il voit comme « une grande arnaque ».
Cet imbroglio démocratique, qui aurait semblé inconcevable il y a encore quelques années, paraît aujourd’hui quasi inévitable. Depuis l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, nous sommes entrés dans ce que Salman Rushdie appelle, dans son roman Quichotte, « l’ère du Tout-peut-arriver ». Une époque où les règles établies sont balayées les unes après les autres, que ce soient les textes de loi, les traités internationaux ou les usages du jeu politique. Ce numéro du 1 vous propose à cet effet un bilan circonstancié des années Trump et de l’étendue des changements opérés en quatre ans aux États-Unis, dans des domaines aussi variés que l’économie, l’environnement, la justice ou la question raciale.
Tout peut arriver donc – y compris la défaite de Trump. L’économie devait être sa bouée de sauvetage. Le Dow Jones flambait. La pauvreté avait reculé à un niveau record. Mais la pandémie de Covid-19 est venue démolir ce château de cartes, jetant une bonne part de l’Amérique populaire dans l’angoisse et la précarité. Joe Biden peut tirer avantage de la situation, mais il aurait tort de se fier aux sondages du moment. Il y a quatre ans, Trump avait profité dans la dernière ligne droite de l’affaire des courriels de Hillary Clinton. Cette fois, c’est la mort de la juge Ruth Bader Ginsburg qui lui offre l’opportunité de galvaniser sa base, en ancrant la Cour suprême toujours plus à droite. Et lui permet de rêver encore d’un second mandat qui, comme l’affirme le politologue George Packer dans l’entretien inquiétant qu’il nous a accordé, ferait basculer l’Amérique du côté des démocraties illibérales. Donald Trump, qui crie au communisme comme on crie au loup, n’a sans doute jamais lu Marx. Mais peut-être pressent-il, comme lui, que l’histoire se répète toujours deux fois. Sans que l’on sache encore ce qui finira par triompher, de la farce ou de la tragédie.
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