Climat : une politique de la terre brûlée
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Défaire, déconstruire, détricoter, inlassablement… C’est le mot d’ordre que s’est donné l’administration Trump ces quatre dernières années en matière de politique environnementale. Pour le président, la question climatique est nulle et non avenue ; il considère que toute mesure contraignante pour le marché américain ou ses entreprises est un désarmement unilatéral par rapport à la Chine, premier compétiteur, qui, lui, ne respecte pas ses engagements. Donald Trump en avait fait son credo : effacer les avancées de l’ère Obama, défaire les réglementations environnementales, sortir des cadres internationaux contraignants. Et il a tenu ses promesses.
Le ton est donné dès le début de son mandat : en juin 2017, Trump dénonce l’accord de Paris, premier accord universel sur le climat, arraché de haute lutte, après huit ans de négociations, notamment grâce à l’impulsion du président Obama et de son secrétaire d’État John Kerry. Pas de surprise, il en avait fait le symbole d’un multilatéralisme défaillant, contraire aux intérêts américains. Ironie du sort, la sortie des États-Unis, seul pays du globe à manquer à l’appel de cet accord universel, sera effective le lendemain de la prochaine élection. Le même réflexe isolationniste le pousse à refuser de ratifier l’amendement de Kigali sur les gaz fluorés et à cesser de participer au financement du Fonds vert pour le climat, instrument des Nations unies pour accompagner les pays du Sud dans leur transition écologique – Obama avait promis trois milliards de dollars, un seul a été versé.
Sans réussir à torpiller la coopération internationale, l’unilatéralisme américain a néanmoins des effets majeurs. D’une part, il renforce le pouvoir de nuisance des puissances pétrolières et gazières, de la Russie à l’Iran en passant par le Golfe, qui sont d’autant plus réticentes à mettre un terme à leur dépendance aux hydrocarbures que leur richesse nationale est fondée sur l’extraction du sous-sol. D’autre part, il place la Chine dans une situation favorable : tout à la fois rivale et partenaire dans la construction de l’accord de Paris, elle est devenue leader par défaut de la cause climatique en l’absence des États-Unis. La Chine a cependant pu continuer à investir sans vergogne dans le charbon et les infrastructures hautement carbonées dans des dizaines de pays, au travers des « nouvelles routes de la soie ». Quelques années plus tôt, les puissances pétrolières, de même que la Chine, devaient se soumettre aux contraintes en raison de la pression américaine. Elles ont désormais les mains libres.
Au niveau national, l’administration Trump a mené une politique similaire, visant à défaire un bagage législatif et réglementaire lourd et complexe. Selon une étude publiée par le New York Times le 15 juillet dernier, une centaine de lois et de règlements auront été supprimés ou affaiblis durant cette mandature, le processus étant encore en cours pour une trentaine. Chose impensable en théorie des organisations, la puissante Agence de protection de l’environnement (EPA), équivalent de notre ministère de l’Environnement, a œuvré à restreindre son propre pouvoir, à limiter ses prérogatives en termes d’encadrement de la pollution et à rendre ses compétences caduques. Cette déréglementation forcenée concerne des mesures emblématiques de l’ère Obama, comme la suppression des standards d’émission des véhicules, des centrales électriques, mais aussi des limitations s’appliquant au méthane et aux gaz fluorés, dont l’impact est particulièrement élevé en termes de réchauffement. Une étude du cabinet Rhodium révèle que la suppression de ces normes pourrait provoquer une hausse des émissions de près de 1,8 milliard de tonnes de CO2 en quinze ans – l’équivalent des émissions annuelles combinées de la France, de l’Italie, de l’Allemagne et du Royaume-Uni. Le travail de sape réglementaire a également consisté à promouvoir l’exploration pétrolière dans les zones protégées, la fracturation hydraulique, ou à limiter les études d’impact environnemental.
C’est l’extrême polarisation du système politique qui a permis ces reculs : pour construire un corpus réglementaire pro-climat, l’administration Obama avait été contrainte de contourner le Congrès, à majorité républicaine, recourant notamment à une série de décrets présidentiels. Puisque ces mesures n’étaient pas inscrites dans la loi, il a suffi à Trump d’édicter ses propres décrets pour tout détricoter.
Toutefois, l’absence d’une politique climatique fédérale aura eu comme effet de galvaniser la société civile. La bataille climatique s’est portée à l’échelon local. L’ensemble des acteurs économiques – États fédérés, municipalités, entreprises, universités, citoyens – se sont organisés pour s’efforcer de maintenir localement la trajectoire fixée lors de l’accord de Paris. La moitié des États fédérés, qui représentent 55 % des habitants du pays, se sont rassemblés au sein de l’US Climate Alliance pour rester engagés dans une transition écologique et climatique. Ils promulguent ensemble des règles et des lois, définissent des normes de production ou de consommation et fixent des objectifs de long terme, tout en cherchant à rallier le reste du pays. C’est sur ces fondations qu’une administration Biden pourrait s’appuyer afin de reconstruire sur les cendres de la précédente mandature et d’engager le pays dans une croissance verte créatrice de richesses et d’emplois, tout en s’efforçant de regagner la crédibilité internationale nécessaire à jouer un rôle de leader.
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