Questions raciales : L’Amérique blanche va-t-elle mieux depuis l’élection de Donald Trump ?
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Il est « leur » président. Le lien organique entre l’Amérique blanche, chrétienne et de classe moyenne est apparu dès avant le scrutin de 2016, lorsque des centaines de milliers de supporteurs arborant la casquette Make America Great Again (MAGA) exprimaient leur ferveur dans des meetings aux couleurs du drapeau étoilé. Le résultat du scrutin de novembre 2016 fut sans appel : 54 % des Blancs votèrent pour Trump contre seulement 39 % pour Hillary Clinton. Pour les hommes blancs, le choix fut plus net encore : 62 % soutinrent Trump et moins de 32 % Clinton. En 2020, ils le soutiennent toujours.
Est-ce à dire que la situation des Blancs américains s’est améliorée et qu’au regard d’un bien-être recouvré, les défaillances du président leur paraîtraient dérisoires ? On peut d’emblée souligner le paradoxe d’un pays dans lequel une majorité de la population dit avoir vu sa situation économique personnelle se dégrader, mais approuve la politique économique du président : 63 % en étaient satisfaits en janvier 2020, ils sont encore 50 % en juin après la destruction de près de 20 millions d’emplois.
Certes, le taux de chômage avait atteint un étiage historique avant février 2020, les marchés financiers voyaient leurs profits s’envoler à la faveur de la réforme fiscale et cela se traduisit par un enrichissement virtuel des 50 % d’Américains détenant des titres. Les salaires également avaient repris des couleurs après des décennies de stagnation. Toutefois, même si l’on isole la période récente marquée par l’épidémie, il convient de distinguer ce qui relève des effets économiques attribuables à cette administration de ce qui relève des dynamiques initiées sous Obama, et, plus encore, le discours de la Maison-Blanche de la réalité des données économiques et sociales. Pour la classe moyenne, l’augmentation du niveau de vie est en réalité bien moindre entre 2016 et 2018 qu’entre 2014 et 2016 (2,7 % contre 5,8 %). On observe la même chose pour la classe ouvrière, dont les revenus augmentaient davantage sous Obama. Si la classe moyenne blanche a pu bénéficier d’un état de quasi-plein-emploi et d’une reprise des salaires, c’est non seulement dans la continuité du mandat précédent mais, plus encore, en raison de l’augmentation du salaire minimum décidé par de nombreux États et collectivités locales démocrates.
Ainsi, dans les États industriels qui ont soutenu l’actuel président de manière décisive en 2016 (le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie) les salaires ont moins augmenté que dans le reste du pays. Plus encore, la politique protectionniste à l’œuvre a plongé l’activité industrielle dans une légère récession, aggravant encore la perte de pouvoir d’achat des ouvriers et employés consommateurs de produits importés. Trump avait promis le retour des usines. Elles ne sont pas revenues. Il avait promis de rendre leur dignité aux travailleurs se retrouvant sans emploi, mais il a conforté en août 2020 le refus de la majorité républicaine de renouveler les indemnités de chômage initialement accordées par le Congrès. Il avait promis des millions d’emplois dans l’industrie minière (le charbon principalement) et dans la construction du mur-palissade à la frontière mexicaine, mais seulement quelques centaines de postes sont à ce jour comptabilisés.
La perception d’un « mieux-être » l’emporte cependant sur les chiffres. Aucune amélioration tangible et matérielle de la vie des Américains blancs n’explique la fidélité d’une majorité d’entre eux au président Trump. On peut, pour s’en convaincre, souligner que 80 % des sympathisants républicains ayant perdu leur emploi depuis février 2020 approuvent sa politique économique et sanitaire et 30 % d’entre eux se disent même dans une meilleure situation économique aujourd’hui. Ce que Trump a apporté à l’Amérique blanche qui l’a élu est plus subtil et plus insaisissable : un sentiment de reconnaissance, une fierté jusqu’alors inavouée d’être blanc et la conscience que l’Amérique traditionnelle et blanche – leur monde connu – devait être défendue et protégée. Avec ce président-ci, pensent-ils, elle l’est désormais.
Le protectionnisme de Trump est un protectionnisme racial qui répond à l’angoisse existentielle qui travaille une part significative de l’Amérique blanche : la peur de perdre la sécurité, le bien-être, la préséance. Ils ont déjà perdu l’American dream, cette promesse d’ascension sociale et de prospérité à transmettre. Il leur reste à préserver l’American way of life, autre mythe qui veut que la famille blanche traditionnelle soit la seule incarnation légitime du pays. Bientôt démographiquement minoritaires, les Blancs sont nombreux à percevoir la parole présidentielle comme une résistance de bon aloi face à ce risque de marginalisation, renforcé plus encore par les révolutions culturelles en cours qui voient les minorités raciales et les femmes faire entendre leur voix. Trump leur promet la restauration, la réparation d’un préjudice et l’opium de la fierté nationale. La valeur de ce capital-là, volatil, s’estimera en novembre prochain.
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