Vivre avec cette écoanxiété qui monte
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C’est la première grande étude jamais réalisée sur l’écoanxiété chez les jeunes. Ses résultats sont sidérants : en 2021, 75 % des 16-25 ans trouvaient l’avenir effrayant. De l’Australie au Brésil en passant par la France, la Finlande, l’Inde, le Nigeria, les Philippines, le Portugal, le Royaume-Uni et les États-Unis, les mêmes émotions suscitées par le réchauffement climatique traversent une majeure partie de la jeunesse : tristesse, anxiété, colère, impuissance, désespoir et culpabilité. Selon l’étude, publiée dans la très respectée revue médicale The Lancet, 58 % des jeunes sont très, voire extrêmement inquiets des effets du dérèglement climatique et 45 % d’entre eux affirment que leur angoisse affecte leur vie quotidienne.
Ces chiffres n’étonnent en rien Antoine Pelissolo, chef de service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil dans le Val-de-Marne. Au fil des ans, il a vu le nombre d’écoanxieux en souffrance se multiplier en consultation. « C’est une réaction émotionnelle normale. L’écoanxiété n’est donc pas une pathologie, mais elle peut évoluer en dépression ou en troubles anxieux sévères », précise le psychiatre, auteur des Émotions du dérèglement climatique (Flammarion, 2021). Face à ce type de cas, l’objectif est d’aider le patient à « faire en sorte que son écoanxiété ne soit pas paralysante, ni trop douloureuse, mais il n’est pas question de la gommer complètement, ni de relativiser le sujet d’inquiétude », souligne-t-il.
La passivité du reste de la société apparaît comme un facteur déclenchant déterminant de l’écoanxiété chez les 18-30 ans
Laure Noualhat fait partie de ceux que l’angoisse a fini par submerger. C’était le 8 mars 2013, très précisément. « Je n’ai pas pu sortir de chez moi, dit-elle. Je me suis effondrée, je n’arrivais plus à fonctionner. » À l’époque, elle approche les 40 ans et est journaliste spécialisée dans les questions écologiques pour le quotidien Libération. Au fil du temps, l’intérêt qu’elle portait à son travail s’est mué en obsession. « J’avais l’impression de vivre dans un jeu vidéo dans lequel tout ce que je voyais était traduit en chiffres, en bilan carbone », dit-elle. Se promener dans les rues de Paris – « qui dégueulent de magasins de vêtements et de bijouteries » – a fini par déclencher chez elle une souffrance trop forte. Un beau jour, elle a même pris la décision de ne plus assister aux fêtes de famille, ne supportant plus les discours c
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