Lorsqu’il s’agit d’identité française, Ernest Renan est toujours convoqué et célébré pour en avoir donné la formule « un plébiscite de tous les jours ». Mais on oublie souvent de préciser le rôle qu’il attribuait aussi au passé, dans le même discours : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis », déclarait-il lors d’une fameuse conférence donnée à la Sorbonne le 11 mars 1882.

L’effet n’a pas disparu. Aujourd’hui encore, l’idée de la France conduit irrésistiblement à cette image mythifiée mêlant les figures de la monarchie, du catholicisme et des paysans. Avant de s’opposer puis de se séparer, la monarchie et l’Église ont œuvré à l’émergence d’une nation unitaire, recourant souvent pour ce faire à une grande violence, comme en témoigne la destruction des identités régionales, langues, religions et cultures. C’est pourquoi on peut dire que la France est une invention, une construction voulue par une autorité toujours plus concentrée entre les mains d’un État royal finissant par ravir à l’Église la prétention à la souveraineté.

« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation »

Cependant, si l’identité française émerge au sommet de la pyramide, elle se perd dans la fragmentation d’un pays aux innombrables villages, dispersés, où domine l’esprit de clocher. L’étranger commence avec « l’estranger ». La France est longtemps trop vaste, ce temps pendant lequel son existence est ignorée de la plupart de ses propres habitants.

L’institution de la nation par l’État royal impose un changement de rythme et de perspective. L’affirmat

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