« L’essor de la solitude sociale nourrit la défiance »
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Quels sont les symptômes de la défiance en France ?
Ce qu’on appelle défiance, c’est d’abord la méfiance que les individus peuvent avoir les uns envers les autres – on parle alors de défiance horizontale ou interpersonnelle, un concept qui permet de mesurer la cohésion d’une population, la capacité de ses individus à coopérer en dehors de leur cercle privé, leur rapport à l’altérité. Il existe une autre défiance, verticale celle-là, qui touche les institutions et leur capacité à protéger les individus des risques auxquels ils sont soumis, à se montrer efficaces, transparentes ou bienveillantes. La situation française combine une double défiance beaucoup plus forte que chez nos voisins. Défiance envers le gouvernement, qui s’est vérifiée à l’aune de la crise sanitaire, et défiance dans les relations interpersonnelles : si les Français font confiance à leur cercle familial, ils ont beaucoup plus de difficultés à coopérer dans la société avec des inconnus. Seul un Français sur cinq affirme pouvoir spontanément faire confiance aux autres, contre un Anglais sur deux, ou deux Danois sur trois.
Y a-t-il un paradoxe dans la manière dont les Français se perçoivent individuellement et leur appréciation de la collectivité ?
Il y a en effet un vrai paradoxe entre bonheur privé et malheur public en France. Les Français affichent un taux de satisfaction très élevé quand on les interroge sur leur bonheur individuel, mais un pessimisme incroyable quant à leur situation collective. Et cela tient en partie à leur défiance vis-à-vis du reste de la population. Seule la moitié de la population française juge que les efforts ont été également partagés pendant le confinement, alors qu’en Allemagne ou en Angleterre plus de 80 % de la population juge que les gens ont fait preuve de civisme ! Cette distinction entre le cercle proche et le reste de la société se retrouve dans la confiance envers les institutions : les Français accordent généralement confiance à leur maire, un échelon local, proche, tandis que la défiance s’accroît à mesure que l’institution s’éloigne.
Comment expliquer cette exception française ?
La France est organisée de façon très verticale, avec un fonctionnement hiérarchique qui n’a pas
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