Il avait été accueilli sous les lazzis de la gauche et d’une partie de la droite. Il a quitté ses fonctions sous une salve d’applaudissements aussi nourris qu’inattendus. En six ans de mandat, Jacques Toubon a imposé le rôle du Défenseur des droits dans le paysage français. Sur des sujets aussi variés que la surveillance, l’immigration ou l’action de la police, l’ancien ministre chiraquien de la Justice a su montrer qu’il était possible, sinon souhaitable, de conserver un esprit critique vis-à-vis des politiques menées par les institutions du pays, de faire valoir une forme de vigilance nécessaire à la vitalité démocratique. Et ainsi de porter haut la voix de la raison, dans une France aujourd’hui minée par un niveau historique de défiance et de suspicion.

 

 

 

La défiance, ce mal français, n’est certes pas nouvelle. Comme l’ont montré Yann Algan et Pierre Cahuc dans La Société de défiance, ses racines sont profondes, puisant dans l’autoritarisme et le corporatisme de notre société. Mais la situation est plus préoccupante que jamais : selon le dernier Baromètre de la confiance politique du Cevipof, les Français sont désormais trois à quatre fois plus nombreux à afficher leur méfiance qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. La morosité et la lassitude sont, et de loin, les premiers termes avancés pour caractériser leur état d’esprit. Et la crise sanitaire, plutôt que de ressouder la nation, a creusé plus encore la fracture sociale et politique, venant grossir la cohorte des sceptiques à l’égard des institutions publiques, gouvernement et Élysée en tête. Est-ce pour autant une fatalité ? La séquence des municipales passée, le défi de la défiance sera pour Emmanuel Macron l’un des enjeux majeurs de la dernière partie de son quinquennat. Pour lui-même, évidemment, en vue de la présidentielle de 2022. Mais pour les Français surtout, qui payent un lourd tribut à ce malaise national, cette déception envers un État dont ils attendent tout sans plus croire en lui. Singulier paradoxe qui nourrit le climat de torpeur, la confiance étant comme une gomme qui rétrécit à chaque erreur.

 

 

 

Des solutions existent pourtant, et ce numéro du 1 en fait la liste, autour de l’apprentissage de la coopération, de la décentralisation des services publics ou de l’inclusion des citoyens dans les processus de décision. La Convention citoyenne pour le climat, par exemple, a ouvert une voie, tant dans son fonctionnement que dans ses résultats – sauf à préférer rouler à toute bringue sur l’autoroute de l’aveuglement. Il en faudra bien sûr davantage pour convaincre la nation que les jours heureux sont au bout. Mais le cynisme et le découragement seraient autant d’impasses pour un pays qui a besoin de retrouver la seule confiance qui vaille : la confiance en soi. 

 

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