Cela n’aurait pas été « sérieux », comme a fini par l’admettre l’Élysée. L’annulation, au dernier moment, de la visite d’État du roi Charles III a permis d’éviter l’image désastreuse d’un Emmanuel Macron siégeant aux côtés du nouveau souverain britannique, sous les ors du château de Versailles. À l’heure où les cortèges battent chaque soir le pavé des grandes villes de France, on n’aurait guère imaginé pire symbole pour exciter le soupçon contre cette monarchie républicaine, brocardée en son temps par François Mitterrand – avant qu’il n’en endosse à son tour le costume.

Si cette annonce a donc permis de ne pas jeter d’huile sur les feux de poubelles, elle fut bien la seule. Très attendue après l’épisode du 49.3, la prise de parole présidentielle du 22 mars fut, en effet, pareille à une étincelle dans une prairie sèche. En ne concédant aucun regret, sinon celui de n’avoir pas su convaincre d’avoir raison, en rapprochant les millions de manifestants aux troupes trumpistes du Capitole, Emmanuel Macron n’a rien apaisé de la crise qui secoue le pays. Au contraire, il a fait basculer la contestation du côté de l’émotion. Il n’avait jusqu’alors, face à lui, que des opposants pacifiques à une réforme des retraites jugée dispensable ou injuste. Il voit à présent défiler des citoyens qui clament leur colère et leur sentiment d’être ignorés, méprisés par un pouvoir qui leur parle « croissance » et « plein emploi », quand ils demandent respect et souveraineté.

Comment, désormais, sortir de l’impasse ? Comment éteindre ce feu qui, cinq ans après l’épisode des Gilets jaunes, ne demande qu’à embraser à nouveau le pays ? Ce numéro du 1 offre quelques pistes de réformes pour tenter de réconcilier légitimités institutionnelle et populaire, et offrir à notre République asphyxiée un bol d’air bienvenu. Une chose est certaine : dans l’atmosphère brûlante actuelle, l’Élysée ne peut plus se satisfaire des tours de passe-passe habituels – discours de la méthode ou changement de Premier ministre – s’il veut renouer la confiance avec les citoyens. Mais le souhaite-t-il vraiment ? En se disant prêt à « endosser l’impopularité », Emmanuel Macron prend en tout cas le risque d’un divorce tout sauf à l’amiable avec les Français. Le pire serait encore de glisser les braises sous le tapis, en pariant sur un pourrissement de la situation. Ce serait s’exposer, dans la rue ou, plus tard, dans les urnes, à un sévère retour de flamme. 

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