Passé la première émotion, mélange de sidération, de compassion pour la victime, de colère aussi – mais peut-elle vraiment passer ? –, que dire, que faire ? D’abord écrire son nom. Samuel Paty, 47 ans, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, dont on retiendra qu’il fut sauvagement assassiné. Décapité avec un grand couteau par un jeune Tchétchène, islamiste radicalisé de 18 ans, un vendredi soir de vacances de la Toussaint. Au motif qu’il avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet. Chacun de ces mots doit être imprimé, lu et relu, pesé à son juste poids d’absurdité, de haine, de révoltante impuissance. Et hélas de réalité. Au sens où l’entendait Lacan : « Le réel, c’est quand on se cogne. » Il s’est bien passé cela en France, le 16 octobre. Une pierre noire. Une de plus depuis toutes ces années où nombre d’enseignants, pour ne parler que d’eux, crient dans le vide après qu’en 2012 à Toulouse, point de repère marquant, le terroriste Merah assassina des enfants juifs parce que juifs, et un de leurs professeurs. C’était le début d’une longue série qui décima la rédaction d’un journal, les clients d’un supermarché casher, les spectateurs d’un concert, des policiers, un prêtre, des passants qui passaient, la liste est longue jusqu’à Samuel Paty.

Tout dans ce drame est effrayant. Mais ce qui doit nous retenir à présent, c’est la chaîne meurtrière qui s’est mise en branle à bas bruit pour rendre possible un tel acte de barbarie. De combien de nos renoncements ce professeur a-t-il été victime ? Il a fallu que des élèves parlent et déforment. Que des parents s’agitent et protestent. Postent des vidéos. Que le père d’une élève se montre vindicatif. Et que rien ne se passe pour protéger Samuel Paty. En proie aussi à la solitude.

Ce que certains prendront pour une fatalité ressemble à la faillite collective de notre système qui, trop souvent, élude le réel. S’empêcher de le voir et de l’affronter. Un pays où des dessinateurs, quand ils ne sont pas assassinés, vivent sous escorte policière, est-il encore une démocratie, une République laïque sûre de ses valeurs et prête à les défendre sans concession aucune ? Et que dire de l’impunité des réseaux sociaux qui, une fois de plus, propagent les cris de haine jusqu’à ce que mort s’ensuive. Débattre n’est pas devenu synonyme de combattre, mais d’abattre.

Comment résister ? Agir s’impose. Avant que les tentatives séparatistes de l’islamisme radical ne se transforment en hégémonisme prêt à écraser notre liberté de pensée. Nos libertés tout court. Et d’abord celle de vivre selon nos aspirations les plus profondes. 

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