Le 20 mars, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) doit publier son rapport final, synthétisant les données récoltées par ses trois groupes de travail. Une somme scientifique colossale, accompagnée d’un mémorandum d’une dizaine de pages à l’intention du grand public et des décideurs, afin de guider les politiques à venir. Il n’y a, cela dit, pas grand suspense tant il devrait venir souligner, une fois de plus, l’ampleur du défi climatique, en même temps que sa profonde injustice. Car si le réchauffement de la planète s’impose, par définition, à tous ses habitants, il est loin de le faire de façon égale. D’abord, parce que tous les États ne portent pas la même responsabilité dans la situation actuelle : l’Europe, les États-Unis et le Japon sont à l’origine de près des 60 % des émissions totales de CO2 depuis la révolution industrielle, quand l’Afrique et l’Amérique du Sud n’en ont produit ensemble que 5 %. Et si la Chine est aujourd’hui, de loin, le premier émetteur au monde, elle peut toujours plaider le retard historique en la matière vis-à-vis du rival américain. Quant aux pays en développement, difficile de leur donner tort quand ils affirment la nécessité de se développer économiquement pour faire face aux dégâts du réchauffement. Cruel paradoxe qui mène le monde vers le mur des quatre degrés supplémentaires à la fin du siècle, et a inspiré au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, cette alternative inquiète : « L’humanité a le choix entre un pacte de solidarité climatique et un pacte de suicide collectif. »

Tout est une affaire de solidarité – avec les peuples du Sud, victimes de la course au développement, mais aussi avec les générations de nos enfants et de nos petits-enfants.

Comment éviter le pire ? Ce numéro du 1 se penche sur la difficile mise en place de la justice climatique, dans les salles de marché, les tribunaux ou les conférences internationales. En 2009, lors de la COP15 de Copenhague, les pays riches avaient bien promis de verser chaque année cent milliards de dollars aux plus vulnérables pour les aider à faire face au choc climatique. Quatorze ans plus tard, le compte n’y est toujours pas, et la somme paraît encore dérisoire aux yeux des pays pauvres, qui chiffrent leurs besoins à deux mille milliards par an. Tout juste ont-ils pu se réjouir d’une avancée symbolique il y a quelques mois, lors de la COP27 de Charm el-Cheikh, qui a jeté les bases d’un fonds spécial « pertes et dommages » pour les aider à faire face aux dégâts irréversibles dus au dérèglement climatique. Reste à savoir si cette initiative sera suffisante pour « décoloniser » l’avenir, pour reprendre les termes de l’historien David Van Reybrouck, et offrir un autre horizon que la catastrophe permanente. Tout est une affaire de solidarité – avec les peuples du Sud, victimes de la course au développement, mais aussi avec les générations de nos enfants et de nos petits-enfants. Car, à force de repousser le moment de régler l’addition, c’est encore à eux que nous laisserons une lourde dette à payer. 

 

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