63 %

Si les émissions historiques de dioxyde de carbone étaient un budget mondial, 12 pays auraient dépensé à eux seuls près des deux tiers de son total (63 %). Et ils sont majoritairement occidentaux.

Ce calcul, réalisé par le think tank Carbon Brief en 2021, a le mérite de prendre en compte le cumul des émissions de CO2 au fil du temps : il cherche non pas les plus gros pollueurs de l’année ou de la décennie, mais ceux qui ont le plus contribué aux 2 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone que l’humanité a émises dans l’atmosphère depuis 1850. 

Une tonne de CO2 émise par une machine à vapeur anglaise au xixe siècle continue d’affecter notre atmosphère en 2023.

Pourquoi remonter si loin dans le passé ? Car ce gaz à effet de serre conserve son « pouvoir réchauffant » sur le très long terme : une tonne de CO2 émise par une machine à vapeur anglaise au xixe siècle continue d’affecter notre atmosphère en 2023. Et contribue au dérèglement climatique actuel de la planète. Cette pollution de nos aïeux doit donc « compter » autant qu’une tonne de CO2 émise aujourd’hui par une centrale à charbon chinoise ou par les automobilistes nigérians de Lagos.

Sur ce podium des pollueurs historiques, les États-Unis prennent la première place, avec environ 20 % du total, suivis de la Chine (11 %) et de la Russie (7 %). Les deux pays qui viennent ensuite sont le Brésil et l’Indonésie, non parce qu’ils brûlent des quantités colossales d’énergies fossiles, mais à cause de la déforestation massive qui se déroule sur leur territoire. Suivent l’Allemagne (4 %), le Royaume-Uni (3 %), le Japon et le Canada (2,5 %), puis l’Ukraine, la France et l’Australie (entre 1,6 % et 1,4 % chacun).

Mais pour savoir qui a vraiment « dépensé » plus que sa part, le calcul doit aller plus loin, en rapportant les émissions de CO2 à la population de chaque pays. En faisant cela, les mastodontes démographiques comme la Chine, le Brésil ou l’Indonésie dégringolent dans le classement. Et sont remplacés par de tout petits pays très gourmands en CO2 comme la Nouvelle-Zélande ou le Qatar.

Les émissions de CO2 d’une usine de jouets en Chine doivent-elles être imputées à Pékin ou aux pays vers lesquels les marchandises vont être exportées, à l’autre bout du monde ?

On peut encore affiner le tableau, en considérant non pas le pays qui a émis la tonne de CO2, mais celui qui a « consommé » les biens ou services produits à la suite de cette pollution : les émissions de CO2 d’une usine de jouets en Chine doivent-elles être imputées à Pékin ou aux pays vers lesquels les marchandises vont être exportées, à l’autre bout du monde ? C’est ce qu’on appelle le « CO2 importé », et les calculs peinent à en assurer la traçabilité. Mais, toujours d’après les experts de Carbon Brief, ajouter cet élément au calcul ne change pas le classement. Tout au plus les États-Unis aggravent-ils leur part dans les émissions de 0,3 point, tandis que celle de la Chine diminue de 1,1 point.

Enfin, pour complexifier le tout, rappelons que le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre. Il faut y ajouter le méthane – issu principalement de l’élevage et de l’extraction des hydrocarbures – ainsi que le protoxyde d’azote – essentiellement causé par les engrais azotés. Ils sont émis en moins grande quantité que le CO2, mais leur « pouvoir réchauffant » est bien supérieur. Réfléchir en « tonnes équivalent CO2 » – c’est-à-dire en ramenant tous les gaz à effet de serre au « pouvoir réchauffant » du CO2 – permet de contourner cet écueil. Mais les données cumulatives dans le temps et à l’échelle mondiale manquent pour l’instant à l’appel. 

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