Tranquille peinard
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Je m’appelle Mounir. Je suis conducteur de machines automatisées, ancien pousse-brouette chez les maçons de la ville d’Ambilly, ancien demandeur d’emploi, ancien cariste dans l’entreprise de linoléum Labidal et, pour l’heure, très provisoirement, heureux bénéficiaire de 564 euros mensuels au titre du RSA. Homme à tout faire donc, dépanneur multiservice, autoentrepreneur, profiteur low cost et couillon de service. Mounir, ça veut dire « l’éclairant » en arabe. Je n’éclaire plus grand-chose.
Circulez, y a rien à voir. Y a rien à grappiller chez les pousse-brouettes, juste un peu de plâtre sur la combinaison, du ciment-colle sous les ongles, une vie pleine de taches et de préjudices et des journées coupées en trois : clientèle le jour, PMU en fin d’après-midi, parents aigris à la maison le soir, évier bouché, fenêtres pourries, de l’humidité partout et des souvenirs à la pelle. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans ce monde ?... La rue fait de plus en plus peur, l’argent trop facile circule partout, les jeunes ne veulent plus bosser, les vieux tombent comme des mouches. Moi, j’adore bosser. La vie ne me propose rien de valable mais je m’en fiche, je ne suis pas râleur. Bûcheur, pas boudeur.
J’ai grandi à Kouba, au sud d’Alger, dans un quartier investi par le FIS pendant la décennie noire. Je les aimais bien, les barbus du Front islamique, je rêvais d’aller jouer au foot avec eux en buvant du Pepsi et en parlant du Prophète. On parlait des filles aussi, parfois du paradis d’Allah et des infidèles. C’est pour ça que mon père les craignait, à cause de la charia et des infidèles. Ma mère était algérienne mais aussi française. Dans la cité Ben Omar de Kouba, une jolie Française qui cache mal ses formes, ça attire le mauvais œil. Alors, un jour d’avril, on a tous pris le bateau avec mon frère aîné, on a quitté l’Algérie pour rejoindre notre oncle installé en France dans la région d’Annemasse, près de Genève. Je m’apprêtais à passer mon bac. Pas de bac. J’ai voulu continuer les études ici, mais on m’a demandé de refaire une année de collège parce que je changeais de langue et de culture. Comment passer tout ce temps avec des ados de quatorze-quinze ans qui sirotent leur bière et fument leur premier pétard entourés de gamines farcies d’acné ? De toute façon, le collège d’Annemasse n’a pas voulu de moi. Trop vieux. Alors j’ai décidé de me mettre au boulot. J’ai passé mon permis Caces et j’ai intégré le monde de la plasturgie française. Je suis
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Michel Wieviorka
Pour le sociologue qui vient de publier Métamorphose ou déchéance : où va la France ?, les revendications sociales ont laissé la place à une vision égoïste des libertés individuelles
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Le "stéréotype du Français râleur, éternel mécontent" ? Robert Solé, écrivain et journaliste, y oppose un grand non !
Leurs vies sans passe sanitaire
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La journaliste Adeline Percept a recueilli les témoignages de personnes qui boudent le passe sanitaire et expliquent comment ils parviennent bon gré, mal gré à vivre sans.