« Donc c’est non » s’intitule une anthologie récente de lettres d’Henri Michaux, qui résistait à toutes les tentatives d’enfermement : « Mon salut est dans l’hostilité. »  Et pourtant, il écrivit et publia, s’adressant au lecteur futur comme à un compagnon : « Choisis-moi pour ma grande anxiété et mon grand désir. » 

Je cherche un être à envahir
Montagne de fluide, paquet divin,
Où es-tu mon autre pôle ? Étrennes toujours remises,
Où es-tu marée montante ?
Refouler en toi le bain brisant de mon intolérable tension !
Te pirater.

Présence de soi : outil fou.
On pèse sur soi
On pèse sur sa solitude
On pèse sur les alentours
On pèse sur le vide
On drague.

Monde couturé d’absences
Millions de maillons de tabous
Passé de cancer
Barrage des génufléchisseurs et des embretellés ;
Oh ! Heureux médiocres
Tétez le vieux et la couenne des siècles
et la civilisation des désirs à bon marché
Allez, c’est pour vous tout ça.

La rage n’a pas fait le monde
mais la rage y doit vivre.
Camarades du « Non » et du crachat mal rentré,
Camarades… mais il n’y a pas de camarades du « Non ».
Comme pierre dans le puits mon salut à vous !
Et d’ailleurs, Zut ! 

Extrait de Plume, précédé de Lointain intérieur © Éditions Gallimard, 1963

 

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