Du mouvement des Gilets jaunes aux protestations contre le passe sanitaire, les Français semblent très souvent tentés par la rébellion. Refus de la pression fiscale, refus d’une société corsetée par des normes de plus en plus contraignantes, refus d’exigences sanitaires vécues comme des oukases. La liste des refus est longue. C’est ainsi que pour des raisons différentes, les Antilles se retrouvent dans une situation de crise aiguë : routes bloquées, magasins pillés, incendies volontaires et tirs à balles réelles sur les forces de l’ordre. Et l’Hexagone se voit confronté à une fronde à bas bruit de ceux qui refusent le vaccin anti-Covid et critiquent le passe sanitaire. S’agit-il de minorités ? Oui à l’évidence, mais ce sont tout de même 37 % des sondés qui pointent du doigt une « dictature sanitaire » selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié en septembre.

Nous cherchons dans ce numéro à mieux cerner et mieux comprendre cette France du non. Un non radical qui se forge en marge des institutions, des partis politiques et des médias dominants. Ces Français à contre-courant sont les enfants de la société de défiance analysée dès les années 2000 par les économistes Yves Algan et Pierre Cahuc. Méfiance verticale (tous les élus et l’exécutif sont suspectés) couplée à une prudence horizontale. Cette manière de ne pas vouloir être dupe, de se tenir en lisière en revendiquant farouchement sa liberté est une marque de notre époque. La preuve d’un décrochage à l’égard d’un système auquel ces protestataires ne croient plus. Autant le réflexe d’en appeler à la générosité de l’État-providence est puissant, autant les règles et l’autorité de l’État régalien sont violemment contestées.

Dans ce mouvement désordonné et fragmenté, on peut discerner une opposition politique au chef de l’État. Une opposition de substitution à des oppositions politiques sans grand écho. C’est l’une des lectures que nous propose le sociologue Michel Wieviorka dans l’entretien qu’il nous a accordé en demandant : « Pour quelle raison aller manifester si l’on est déjà vacciné à moins d’être solidement anti-Macron ? » 

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