Le vaccin n’est pas un traitement : il ne soigne pas une pathologie, il entraîne notre système immunitaire à y faire face. Quand nous tombons malades, notre organisme développe une réponse à l’agression d’un agent pathogène (virus ou bactérie). Cette réponse est plus ou moins efficace en fonction des individus, et reste plus ou moins longtemps en mémoire en fonction de l’attaque pathogène. Le vaccin copie ce processus pour permettre à notre organisme de connaître la réponse efficace sans avoir été confronté à la maladie. De la même manière qu’un athlète dispose de plusieurs méthodes afin de préparer un rendez-vous sportif, il existe plusieurs types de vaccins (appelés par les spécialistes des plateformes).

Dans une stratégie de lutte contre une pandémie, disposer de plusieurs plateformes est une force. C’est la combinaison de deux vaccins différents qui a permis de faire considérablement reculer la poliomyélite, déclarée éradiquée en Afrique par l’OMS en août dernier dans sa forme sauvage. Le premier vaccin protège de la maladie, sans empêcher l’infection. C’est-à-dire qu’un individu vacciné peut être porteur sain et peut donc contaminer les autres. Le second vaccin, par voie orale, est conçu à partir de virus vivant atténué. Ce virus est sécrété dans les selles et peut redevenir pathogène après deux ou trois années de circulation. Il n’est donc pas dangereux pour la personne vaccinée, mais en cas de faible couverture vaccinale, il peut contribuer à faire redémarrer l’épidémie. 

Il existe quatre types de vaccins.

Le plus classique, développé en 1885 par Pasteur, le vaccin basé sur le virus lui-même, sous une forme inactivée ou diminuée (comme pour la rougeole) ou même sous une forme tuée (comme pour la grippe). Trois des dix candidats vaccins contre le Sars-CoV-2 entrés dans l’ultime phase de tests, s’appuient sur cette plateforme – ils sont développés par des sociétés chinoises, le Wuhan Institute, le Bejing Institute et le Sinovac. L’idée consiste à cultiver le virus dans des cellules, puis à le récolter avant de le malmener avec des produits chimiques pour le rendre inoffensif. On injecte ensuite la soupe de protéines qui en résulte en espérant que le corps réagisse et apprenne ainsi à reconnaître le vrai virus. « Le virus étant mort, il ne se multiplie plus dans l’organisme. Il faut donc bien identifier les dosages initiaux pour susciter une réponse suffisante », explique Pierre Charneau, responsable de l’unité de virologie moléculaire et de vaccinologie de l’institut Pasteur et directeur scientifique de Theravectys.

Des vaccins sous-unités, basés sur une partie de la protéine seulement (par exemple, le vaccin contre l’hépatite B). Dans le cas du Covid-19, le système immunitaire ne réagit qu’à une partie du virus, la protéine S (Spike) située à la surface, sur l’enveloppe du virus. C’est cette protéine qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines et qui est la cible des anticorps. Cette protéine de surface, produite en laboratoire et purifiée, doit être associée à un adjuvant. « Sans cet adjuvant, qu’on appelle aussi "signal danger", le corps ne reconnaît pas la protéine comme un agresseur, explique Pierre Charneau. L’effet peut même être totalement inverse, il s’habitue à sa présence et ne développe aucune défense à son contact. » De nombreux laboratoires se sont lancés sur cette plateforme contre le Covid-19, les Américains de Novavax ont démarré l’ultime phase de tests le 28 septembre. « La difficulté est de réussir à produire correctement la protéine S avec la bonne conformation pour que le vaccin déclenche la production des bons anticorps », analyse Bruno Pitard, le directeur de recherche CNRS au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers. 

Des vaccins basés sur des navettes de vecteurs viraux. Il s’agit de prendre un virus inoffensif auquel on greffe un gène du virus que l’on souhaite combattre (c’est le cas du vaccin d’Ebola). « Plutôt que d’introduire la protéine S dans l’organisme, l’idée est de donner les informations nécessaires aux cellules pour qu’elles fabriquent elles-mêmes les protéines », explique Bruno Pitard. Le virus non pathogène, non réplicatif et inconnu de l’organisme, pénètre les cellules pour pouvoir se répliquer. C’est le brin d’ADN du virus pathogène qui va apprendre aux cellules à fabriquer des protéines du virus susceptibles de développer des anticorps. Cette méthode est utilisée par les Anglais de l’université d’Oxford qui développent avec le laboratoire AstraZeneca un candidat vaccin à partir d’un adénovirus (un virus qui possède un ADN à double brin) de chimpanzé qui ne parvient pas à se répliquer chez l’homme.

« Il y a deux difficultés avec cette méthode, commente Bruno Pitard. Les virus sont fragiles et il faut des conditions particulières pour les conserver, ce qui implique une vaccination exclusivement en milieu hospitalier. L’autre problème concerne les quantités astronomiques de virus recombinant à injecter. Si ce virus est inoffensif, il faut tout de même faire très attention à d’éventuels effets secondaires. » L’institut Pasteur travaille sur un projet proche, qui utilise comme vecteur un autre vaccin. « Dans ce cas, le virus injecté est réplicatif, il va se multiplier dans l’organisme, explique Pierre Charneau. Il s’agit du vaccin contre la rougeole qui porte les informations génétiques nécessaires pour coder la protéine S du Sars-CoV-2 et qui n’est pas agressif. »

Les vaccins à ARN ou à ADN. « Ici, on introduit directement l’information génétique pour lancer la fabrication des protéines Spike, autrement dit l’ARN, produit en laboratoire par fermentation, détaille Bruno Pitard. Des molécules chimiques vont mimer la fonction d’un virus pour s’introduire dans les cellules. » Cette technologie permet un gain de temps important dans la phase des premiers essais cliniques. Dans le cadre du Sars-CoV-2, dès que le génome du virus a été séquencé, les laboratoires utilisant cette plateforme ont pu se lancer dans la course en bénéficiant de procédures réglementaires accélérées, car elles avaient déjà démontré l’innocuité de principe de leur technique sur l’animal pour d’autres virus. Jusqu’alors, aucun vaccin pour l’homme ne s’est appuyé sur cette plateforme, pourtant à l’étude depuis une dizaine d’années. Cette technique innovante est portée par la start-up américaine Moderna Therapeutics, présidée par le Français Stéphane Bancel. Deux autres start-up, implantées en Allemagne, développent cette technique : BioNTech est entré dans sa dernière phase de test, CureVac en est à la phase 2.

À l’instar de la précédente plateforme, les conditions de conservation sont particulièrement exigeantes. Une variante consiste à injecter un brin non pas d’ARN, mais d’ADN. Chez la plupart des êtres vivants, l’ARN est une copie de l’ADN, légèrement moins stable, qui sert à coder les protéines. L’avantage d’un vaccin à ADN est d’être un peu plus solide qu’un vaccin à ARN, et donc de produire des protéines S de manière plus durable. Mais il doit pour cela pénétrer plus profondément dans la cellule, jusqu’au noyau. 

 

 

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