L’urgence environnementale s’impose à nous. Produire différemment, de manière plus durable et moins consommatrice d’énergies fossiles, faire évoluer nos usages vers davantage de sobriété : cette nécessité, incontestable, n’est plus questionnée dans son principe comme elle a pu l’être à certaines époques. Le débat porte désormais sur ses modalités : à quelle vitesse et à quel coût ces transformations doivent-elles intervenir ? Et, surtout, sont-elles vouées à être subies, comme le prix à payer pour retarder une catastrophe annoncée, ou pourraient-elles être choisies, voire désirées ?

Le désir est la grande affaire de la publicité, cette invention de la société industrielle née au moment où les biens et services sont devenus plus difficiles à vendre qu’à produire. Une invention déroutante (en plus d’être un véritable fait de civilisation), consistant à faire parler un produit au-delà de ses qualités fonctionnelles – à créer un imaginaire.

Cet imaginaire a certes été contesté, dès l’origine. Fétichisant la marchandise, favorisant l’identification de chacun à sa voiture, à sa cuisine équipée ou à ses vacances, cette mythologie matérialiste serait aliénante, bien loin de l’idéal humaniste de la raison émancipatrice. Pire encore, à l’heure de la double crise du pouvoir d’achat et du dérèglement climatique, elle créerait de faux besoins et pousserait à la surconsommation, voire au gaspillage.

Le fait est que cet imaginaire, superficiel peut-être, indifférent aux inégalités de revenus sans doute, a structuré le rapport à l’avenir de nos sociétés occidentales : à la trajectoire ascensionnelle de chaque individu, symbolisée dans la publicité par l’acquisition d’un modèle de voiture de la catégorie supérieure, correspondait un idéal collectif de modernité, exalté dans l’imagerie publicitaire à travers la santé, le confort, le progrès technique, l’abondance. Qu’en est-il à l’heure de l’urgence climatique ? Quels désirs, finalement, peuvent accompagner la sobriété ?

L’utilité sociale de la publicité, aujourd’hui, c’est d’orienter les désirs vers la transition environnementale

C’est évidemment une question lourde pour la publicité, dont la remise en question est profonde, puisque c’est sa raison d’être (faire consommer) qui est directement percutée. À moins que, pour ne pas être renvoyée du côté du passé, elle ne prenne le tournant. La publicité a toujours eu un impact social, malgré elle : pour donner envie d’acheter, elle met en scène les désirs des consommateurs, autant qu’elle contribue à les forger. Or, dans un contexte où la consommation participe toujours à la construction identitaire des individus, mais d’un point de vue moins socioéconomique que culturel, le fait de végétaliser son assiette, de réduire ses déplacements motorisés, voire de baisser sa consommation de chauffage en hiver, ne pourrait-il pas relever du désir plus que de la réponse à l’injonction ? La valorisation nouvelle, dans les spots publicitaires, des conditions de production des biens et services, peut amener à le croire. L’utilité sociale de la publicité, aujourd’hui, c’est d’orienter les désirs vers la transition environnementale : car celle-ci, en ce qui concerne la consommation (c’est sans doute différent pour la production), ne passera jamais par la contrainte.

Incantation, voire greenwashing, continueront à dire les antipubs, et ils auront parfois raison. Mais c’est peut-être un passage obligé pour faire contribuer le rêve et le rire à la construction d’un nouvel imaginaire positif, seul à même d’éviter que l’objectif de neutralité carbone ne soit qu’une charge mentale supplémentaire et l’avenir de notre planète un horizon de détresse pour nos sociétés angoissées. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !