En ironisant sur les déplacements en « char à voile », Christophe Galtier, l’entraîneur du Paris-Saint-Germain, n’imaginait sans doute pas la soufflante populaire et médiatique dont il serait l’objet. Il faut dire que la petite phrase et le sourire goguenard qui l’accompagnait dissimulaient mal un caprice de privilégiés, fâchés qu’on puisse les priver de leur jet privé. Mais si elle a fait autant de bruit, c’est aussi parce qu’elle s’inscrit dans une longue litanie de polémiques ces derniers mois, sur les vols en avion, l’entrecôte grillée, l’arrosage des golfs ou le remplissage des jacuzzis, polémiques qui empoisonnent la vie publique en même temps qu’elles attisent une double angoisse.

D’un côté, une partie de la population cède de plus en plus à « l’éco-anxiété », inquiète des bouleversements climatiques aux conséquences désormais bien réelles sur nos vies. Et, dans le même temps, une autre – parfois la même – s’élève contre un changement brutal de son mode de vie, voyant dans chaque limitation une forme insupportable d’interdiction. Le tout sous le regard distancié de ceux qui, comme le Guépard de Visconti, espèrent que « tout change pour que rien ne change », et ainsi continuer à vivre comme avant sans devoir plier sous le poids du jugement…

Si le sujet de l’entrecôte est si inflammable, c’est qu’il n’est pas seulement question de barbecue

Pourtant, derrière ces polémiques mesquines se joue une dimension bien plus cruciale : si le sujet de l’entrecôte est si inflammable, c’est qu’il n’est pas seulement question de barbecue, mais bien des imaginaires dans lesquels nous avons grandi et continuons de baigner. Et ceux-ci posent en réalité deux questions.

La première, la plus simple, est de savoir s’il faut en changer : dans un monde où la crise écologique est déjà là, et où l’exigence de sobriété se fera toujours plus pressante, il faudrait être aveugle – ou cynique – pour croire qu’il est possible de poursuivre sans douleur sur cette voie.

La seconde question est autrement plus complexe : comment tourner le dos aux rêves de l’abondance, de la consommation désinvolte, de l’usage du monde sans contraintes ? Comment renoncer à ces mythes profondément enracinés dans les Trente Glorieuses, mais dont les fruits dodus ont aujourd’hui un goût si amer ? C’est ce que se propose d’explorer ce numéro du 1, grâce aux regards de scientifiques, de philosophes, d’économistes ou encore d’artistes. Ensemble, ils livrent leurs clés pour construire d’autres récits, d’autres visions de l’avenir. Celles-ci peuvent se révéler inspirantes, intrigantes, voire carrément détonantes. Elles invitent, surtout, à ne pas céder au découragement, en inventant un nouvel art de vivre. Vaste programme ? Peut-être. Mais l’époque, après tout, est au changement de règne, et aux adieux au siècle passé. 

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