Singapour figure au quatrième rang des principales places financières mondiales. C’est ce qu’indique la dernière édition du baromètre Global Financial Centres, publiée en mars par l’important cabinet londonien de consulting financier Z/Yen. Depuis la première parution de ce classement, en 2007, Singapour n’a jamais quitté le quatuor de tête, dont New York et Londres se disputent chaque année les deux premières places. Et si la troisième revient à sa grande rivale Hong Kong, Singapour détient plusieurs longueurs d’avance sur les autres places asiatiques : Tokyo est reléguée en cinquième position, deux crans au-dessus de Séoul. Quant aux chinoises Shanghai et Shenzhen, elles ne pointent (pour le moment) qu’aux ­seizième et vingt-deuxième rangs. 

Ce palmarès illustre d’abord la particularité de l’Asie, qui ne dispose pas d’une unique place financière d’envergure internationale mais de plusieurs centres financiers régionaux, avec chacun ses spécificités. Tokyo apparaît ainsi comme une place essentiellement dédiée au financement de l’économie japonaise et Kuala Lumpur, par exemple, comme la spécialiste de la finance islamique. Singapour détonne dans cette mosaïque de stratégies de niche par sa véritable dimension internationale. De fait, 95 % des banques basées dans la cité-État sont d’origine étrangère, comme le sont 80 % des fonds gérés et plus du tiers des entreprises cotées. 

Singapour n’a pas eu d’autre choix que de s’ouvrir sur l’extérieur pour développer son industrie financière. À la différence de Hong Kong, adossée à la Chine, l’île-État ne dispose pas d’une importante économie domestique sur laquelle le développement de ses services financiers pourrait prendre appui. Les autorités singapouriennes ont donc bâti leur place financière sur le modèle d’un marché offshore, offrant aux investisseurs internationaux un cadre fiscal et réglementaire « attractif », c’est-à-dire peu contraignant, à quoi s’ajoute un environnement politique plus stable qu’à Hong Kong. Le succès est incontestable : à la fin de l’année 2014, Singapour gérait 1 000 milliards de dollars d’actifs offshore (de non-résidents), selon le Boston Consulting Group (BCG). Un montant encore très inférieur aux 2 400 milliards de dollars qui maintiennent la Suisse au premier rang mondial de la gestion de fortune, mais qui devrait enregistrer une croissance annuelle de 6,9 % ces cinq prochaines années, contre moins de 5 % pour ceux gérés en Suisse, selon le BCG. À titre de comparaison, « seulement » 500 milliards de dollars d’actifs offshore sont gérés à Hong Kong.

Autre domaine où Singapour brille : celui du marché des changes. La cité-État est le troisième acteur mondial de cet énorme secteur, où s’échange chaque jour l’équivalent de 5 300 milliards de dollars. Encore très loin des 41 % de parts de marché du Royaume-Uni sur ce segment financier et des 19 % des États-Unis, la part de l’île (5,7 %) lui permet de devancer le Japon (5,6 %) et Hong Kong (4,1 %), d’après les données de la Banque des règlements internationaux (BRI). Enfin, Singapour s’est fait une spécialité des transactions sur les produits dérivés, rendus tristement célèbres par la crise financière de 2008, notamment ceux adossés aux matières premières (la cité-État est, entre autres, un grand centre de négoce du caoutchouc depuis le xixe siècle). Singapour caracole ainsi au huitième rang mondial pour les échanges de gré à gré de produits dérivés, et à la deuxième place en Asie derrière Tokyo. 

Seul point de faiblesse : le domaine des actions et des marchés obligataires. Contrairement à Hong Kong, réputée pour ses marchés de capitaux, Singapour peine à développer les siens. D’abord parce que les entreprises locales ont coutume de se financer auprès des banques, ensuite parce qu’aux yeux des investisseurs la place financière singapourienne n’apparaît pas suffisamment comme une porte d’entrée vers l’Asie. Conséquence : parmi les membres de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN), le marché obligataire singapourien ­n’arrive qu’en troisième position, derrière la Malaisie et la Thaïlande. Et si la Bourse de Singapour reste la première de l’ASEAN, elle ne pointe cependant, pour la totalité de ses activités, qu’à la dixième place pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique, devancée par Hong Kong, Shanghai ou encore Shenzhen. La montée en puissance des places financières de Chine continentale pourrait inciter celles de Hong Kong et de Singapour à nouer des partenariats, les deux places semblant en définitive plus complémentaires que concurrentes. 

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