Comme souvent, les Français se partagent en deux camps. Il y a ceux qui disent : « Je partirai à la retraite » et ceux qui disent : « Je partirai en retraite. » Qui a raison ? Ne tranchons pas hâtivement, car les plus grands écrivains, ceux qui ne prennent jamais de retraite, à commencer par les immortels, se sont engagés en ordre dispersé sur ces chemins grammaticaux. Proust évoque un personnage « en bicyclette » dans Les Plaisirs et les Jours, alors que Simone de Beauvoir est « à bicyclette » dans La Force des choses… Et ne parlons pas de Gide qui, dans son Journal, à quatre jours d’intervalle, emploie l’une et l’autre expression.

Chantre de l’« en même temps », Emmanuel Macron est certainement d’accord avec les deux formules. Mais faut-il « partir » à la ou en retraite ? Des travailleurs en fin de carrière, poussés vers la sortie, ont l’impression de prendre la porte, et aussitôt de prendre un coup de vieux. Seraient-ils condamnés à battre en retraite, comme une armée en déroute ?

Retraite n’est pas forcément retrait. Dans l’expression « prendre sa retraite », bien meilleure, il y a à la fois un verbe actif et une personnalisation : c’est se saisir d’une nouvelle vie, propre à soi, préparée parfois bien avant le pot de départ. Ce retraité-là ne se contente pas de « prendre un repos bien mérité » : il est, selon ses goûts, prêt à prendre du service dans une association ou à prendre le large pour découvrir de nouveaux horizons. Il peut simplement prendre les choses comme elles viennent, prendre son temps, goûter le silence et la contemplation. Dans la sagesse du soir, le retraité créatif se fait retraitant. 

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