Le Pays des écrins rassemble huit communes de montagne dans les Hautes-Alpes, dont deux stations de ski : Puy-Saint-Vincent et Pelvoux-Vallouise. C’est un territoire peu peuplé, qui a déjà connu plusieurs transitions importantes au cours des dernières décennies, puisque cet espace a d’abord été agricole, puis industriel, avant de se consacrer à la fin des années 1960 au tourisme d’hiver. Alors que les recherches internationales montrent bien que le climat change et que le processus s’accélère, particulièrement en montagne, se pose la question de sa transition écologique et de la façon dont la population, les acteurs et les élus locaux l’abordent.

Nous avons donc cherché à savoir si les habitants se rendaient compte de ces changements, à observer la manière dont cette idée modifie leur façon de vivre dans un contexte où les risques naturels augmentent, et, enfin, à saisir s’ils avaient pu construire un imaginaire autour d’un modèle de développement alternatif. À la suite de deux premières études de terrain centrées sur l’histoire du territoire et la perception des enjeux qui sont aujourd’hui les siens, notamment en matière de mobilité, de foncier, d’exploitation des ressources locales et de changement climatique, nous avons tout d’abord perçu de premiers signaux faibles de manifestation du changement : certains nous ont parlé de phénomènes météorologiques, dont un vent qui ne soufflait pas ici auparavant, une personne a évoqué sa crainte de voir crever certaines poches glacières.

La prise de conscience diffère suivant les personnes. Une part de la population a du mal à percevoir qu’à un moment donné, le modèle économique de la vallée, essentiellement fondé sur des revenus liés à la saison d’hiver, se trouvera menacé à court terme. Certains acteurs économiques poursuivent donc l’idée de continuer à construire, à s’étendre, à se développer à l’instar de ce qui a été fait ces cinquante dernières années, même si cela peut renforcer la pression foncière.

L’idée de la nécessité d’une transition commence toutefois à germer dans l’esprit d’une partie des personnes interrogées : elles ont conscience que des choses vont changer en raison d’une baisse inéluctable de la quantité de neige. Certains nous disent : « On a su se relever de la crise industrielle grâce à l’avènement du tourisme, pourquoi ne se relèverait-on pas de cette crise-là ? » L’espoir qu’« on y arrivera » subsiste, grâce à la capacité d’adaptation dont ce territoire a déjà su faire preuve par le passé en évoluant au fil des ans. « Il n’y a plus de neige ? Alors il faut davantage de canons à neige ! » diront certains acteurs.

De l’autre côté du spectre, au contraire, certains se préparent à la transition. Parmi eux, des jeunes, mais pas uniquement : des associations actives et dynamiques rassemblent des personnes de tous âges, motivées pour travailler ensemble au changement dans une logique intergénérationnelle. L’association La Fabrique à liens réfléchit ainsi à la question de l’autonomie alimentaire.

Notre travail consiste à observer comment ces différents groupes d’acteurs arrivent à mieux se connaître pour faire émerger une vision partagée de leur passé et de leur futur. Dans le cadre du programme Popsu, deux ateliers auront lieu mi-novembre.

Le premier permettra de réaliser une frise participative géante pour écrire cette histoire commune. Concernant le passé, le récit est globalement homogène : les habitants sont très fiers de voir où en est la vallée qui, après avoir traversé des époques perçues comme très dures, a vu son niveau de vie s’élever de manière substantielle grâce à la croissance économique liée au tourisme. Cependant, lorsque le regard se porte vers l’avenir, les points de vue diffèrent : certains veulent sanctuariser le territoire tandis que d’autres souhaitent continuer à l’aménager.

Le second atelier entend rebondir sur la question des ressources disponibles et des grands bouleversements qui risquent de frapper le territoire. Que fait-on des ressources ? Quelles sont nos capacités ? Nos vulnérabilités ? En collectant la parole des acteurs locaux et en nourrissant leur réflexion d’informations scientifiques, nous souhaitons accompagner le territoire pour permettre à ses différents acteurs de coconstruire son avenir et le leur autour d’une vision commune. Il s’agit d’une recherche-action qui ne se concentre pas uniquement sur le développement économique, mais prend en considération l’ensemble du système territorial, en particulier ses aspects sociaux, environnementaux – notamment la question des circuits courts – afin que les acteurs s’orientent ensemble vers des montagnes durables. 

 

Conversation avec ORIANE RAFFIN

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