Au cours des deux dernières décennies, le creusement des inégalités territoriales s’est accéléré. Une représentation binaire de ce phénomène a dominé le débat : la concentration métropolitaine « gagnante » versus l’évidement des petites villes et des territoires « perdants ».

À y regarder de plus près, il semble bien que tous ces territoires, et les populations qui y vivent, souffrent de l’intensité de ces dynamiques spatiales.

Du côté des petites villes et des territoires peu denses, la déprise a pu être démographique, économique ou commerciale, avec des intensités très variables. Elle s’est accompagnée, souvent, d’une réduction du maillage des services publics au nom d’une rationalisation des dépenses en contexte d’austérité.

Du côté des métropoles, l’intensité de la concentration peut aussi être source de fragilités et de surchauffe : prix de l’immobilier qui s’envolent, congestion, pollution, surdensification.

Ces dynamiques territoriales sont le reflet spatialisé d’un cycle de développement à bout de souffle et en crise systémique sur le plan financier, économique, environnemental, social et maintenant sanitaire. Elles témoignent aussi du recul de la régulation publique et de l’État, très net depuis le début des années 2000, et de sa conversion au mythe de la CAME – compétitivité, attractivité, métropolisation, excellence – décrit par les chercheurs Olivier Bouba-Olga et l’économiste Michel Grosseti dans un article de 2018.

Infléchir ce référentiel d’action implique de s’émanciper des frontières et catégories territoriales, tout autant que d’élargir les indicateurs et les valeurs pris en compte pour mesurer et évaluer ce qui fait l’« attractivité » des territoires.

D’un côté, les modes de vie de nos concitoyens font largement fi des frontières territoriales. C’est pourquoi il est temps de dépasser les catégories trop englobantes et réductrices telles qu’urbain, rural, périurbain, petites villes, métropoles. Non seulement il y a, en réalité, beaucoup de diversité au sein de chacune de ces catégories, mais, plus encore, elles nous empêchent de penser le fonctionnement de systèmes territoriaux faits d’interdépendances et de complémentarités. Et c’est peut-être là que se joue l’attractivité des territoires, dans la mise en valeur de leurs liens et, ce faisant, dans une meilleure prise en compte des modes de vie mobiles et fluides de celles et ceux qui les pratiquent.

D’un autre côté, pour dépasser les indicateurs dominants de l’attractivité, il serait nécessaire de prendre au sérieux les nombreuses ressources qui comptent et qu’on ne compte pas. Travailleurs devenus essentiels le temps d’une crise sanitaire, séniors et autres « non-actifs » qui tiennent la vie associative, source d’eau ne nécessitant pas de traitement, biodiversité nécessaire à la vie des écosystèmes non humains et humains… La liste est longue des ressources cruciales – et pourtant encore trop hors radar – qu’il conviendrait de mettre en valeur pour faire société dans un contexte de transition écologique.

Les petites villes, comme les plus grandes, peuvent être ainsi porteuses d’attrac-ternatives ou d’alter-activités. « Une autre vie s’invente ici », tel est le slogan prometteur et réjouissant du réseau des parcs naturels régionaux. Pourquoi ne serait-ce pas aussi celui de « France urbaine », le réseau des métropoles ? Certaines d’entre elles s’engagent en tout cas dans cette voie, révisant déjà les fondements de leur attractivité en privilégiant la notion d’hospitalité. 

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