La bonne nouvelle est venue de l’Assemblée nationale. Une quarantaine de députés se sont rendus la semaine dernière dans un établissement pénitentiaire de leur circonscription. Une manière d’exercer leur droit de visite. Une manière aussi de préparer l’audition en novembre du Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui nous accorde un entretien dans ce numéro. Une manière surtout de se mêler d’un sujet tabou dont nul ne veut vraiment se saisir.

La France, pays des libertés qui donne volontiers des leçons en matière de droits de l’homme, éprouve en effet depuis longtemps une véritable paralysie à l’idée de moderniser son système pénitentiaire. Chaque nouveau garde des Sceaux, stupéfait et glacé en découvrant l’état de nos prisons, s’engage dans la voie d’une réforme avant de renoncer partiellement. Dans les premières pages de son essai La Prison républicaine (1992), Robert Badinter a bien caractérisé les trois résistances principales à toute évolution majeure : l’obsession budgétaire, les réticences syndicales et la passion sécuritaire. On ne sait laquelle l’emporte aujourd’hui. Mais l’idée prévaut que les prisons peuvent attendre puisque les SDF n’ont pas même de toit, que les chômeurs sont assez largement démunis et que les familles monoparentales flirtent souvent avec le seuil de pauvreté. 

Les prisons françaises sont donc globalement indignes. Aussi surpeuplées que celles de Géorgie, de Hongrie ou de Pologne. Souvent crasseuses et dénoncées comme telles. Cette école du crime prospère sur la promiscuité, les clans et les frustrations de toute nature. L’administration pénitentiaire, qui subit cette situation en première ligne, et les services médicaux compétents sont contraints d’assurer une généreuse distribution de neuroleptiques pour faire baisser la pression.  

Cet échec collectif n’est pas fatal. Plusieurs pays en Europe, comme la Suède ou la Suisse, prouvent qu’il est possible d’avoir des prisons propres, respectueuses des droits humains, où l’idée d’un amendement et d’une réinsertion l’emporte sur toute autre considération. Les condamnations à répétition de la France par la Cour européenne des droits de l’homme finiront peut-être par nous réveiller. Oui, à ce titre, la création il y a dix ans du Contrôleur général des lieux de privation des libertés est un excellent aiguillon. De même que l’initiative de la présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, d’inviter les députés à pénétrer dans les prisons est aussi inattendue qu’excellente. 

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