Depuis les débuts de la VRépublique, la diplomatie et la défense sont le domaine réservé du président. Si réservé que la population n’y prête guère attention. Dans ces secteurs, les lois passent et nous regardons ailleurs. Ainsi ignorons-nous généralement qu’Emmanuel Macron a engagé, dès son premier mandat, la rénovation de l’armée française en y consacrant 295 milliards et qu’une seconde loi de programmation militaire prévoit 413 milliards sur cinq ans pour sa modernisation.

Paris n’a donc pas attendu l’électrochoc de l’invasion de l’Ukraine pour prendre la mesure des besoins d’un outil militaire négligé depuis des décennies. « Emmanuel Macron a sans doute cinq ans d’avance sur ses partenaires européens », relève Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri), dans l’entretien qu’il nous a accordé. Même si la décision de construire un nouveau porte-avions à propulsion nucléaire pour remplacer le Charles de Gaulle ne peut masquer nos difficultés à « retrouver un modèle complet d’armée ». Trop de retards se sont accumulés pour pouvoir être rattrapés instantanément.

Les pays occidentaux – à l’exception des États-Unis – sortent aujourd’hui d’une très longue anesthésie.

Plus globalement, les pays occidentaux – à l’exception des États-Unis – sortent aujourd’hui d’une très longue anesthésie. Aucune menace extérieure ni même intérieure ne les avait convaincus de réarmer. Cette fois, l’hypnose est dissipée. Dans son dernier rapport, l’institut suédois Sipri indique que la hausse des dépenses militaires en Europe en 2022 a été de 13 %. Le discours du chancelier Olaf Scholz s’engageant à faire de l’Allemagne « la force armée la mieux équipée d’Europe » avait servi de coup de cymbales.

La singularité de la position française repose sur d’autres bases. Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, énumère dans son analyse pour le 1 hebdo quelques-uns de nos atouts : la possession de l’arme nucléaire, la présence de la France parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, la possession du deuxième plus grand domaine maritime mondial ou encore la maîtrise du troisième réseau diplomatique par son ampleur derrière la Chine et les États-Unis. Voilà pour la puissance. Michel Foucher, géographe et diplomate, s’interroge pour sa part sur les raisons du décalage de représentation de la France entre l’étranger et l’Hexagone. Comment expliquer que « l’image de la France soit plus forte à l’extérieur qu’à l’intérieur » ? À rebours des déclinistes, il souligne nos réussites et s’emploie à les resituer dans la longue durée. La France, outre la puissance des armes, possède aussi une influence trop sous-estimée. 

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