Athéna a beau exciter l’ardeur des combattants grecs, l’Iliade est un poème triste sur des héros condamnés. Le récit d’une guerre dont les hommes ne voulaient pas, née d’une sale histoire d’amour et de désir. Se succèdent les meurtres décrits avec une précision anatomique. L’épopée de la force est une histoire tragique. 

Et soudain la guerre devint plus douce à leur âme
que le retour, sur les creuses nefs, au pays de leurs pères.
Comme le feu dévorant embrase des bois innombrables
au sommet d’un mont, et au loin apparaît sa lumière,
ainsi, tandis qu’ils marchaient, l’éclat formidable du bronze
resplendissait, à travers l’éther, jusqu’aux cimes célestes.
Comme les peuples d’oiseaux, espèce nombreuse et volage
– ou des oies, ou des grues, ou des cygnes au col qui s’étire –
dans la plaine d’Asias, le long des flots du Caÿstre, 
volent de toutes parts d’une aile forte et joyeuse, 
puis, criaillant, se posent à terre, et la plaine résonne, 
ainsi les peuples nombreux, quittant baraques et barques, 
se répandaient dans les prés scamandriens : et la terre 
retentissait bruyamment sous les pas des chevaux et des hommes. 
Ils s’arrêtèrent dans la plaine fleurie du Scamandre, 
aussi nombreux qu’à la belle saison les fleurs et les feuilles. 
Comme les peuples nombreux des mouches, en troupes compactes, 
vont errant dans la bergerie où séjournent les bêtes, 
à la venue du printemps, quand le lait déborde des jattes,
aussi nombreux, devant Troie, les Argiens à longue crinière
s’arrêtaient dans la plaine, brûlant d’occire les autres.

Iliade
© Éditions du Seuil, 2010, pour la traduction de Philippe Brunet

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