Au cours des dernières années, les changements climatiques se sont manifestés avec une virulence croissante. Les catastrophes environnementales se sont multipliées, et tous les États du monde ont pu éprouver les risques que celles-ci font peser sur leur stabilité économique, sur leur souveraineté politique et sur la sécurité des populations. Dans ce contexte, les institutions de défense de pays tels que les États-Unis ou le Royaume-Uni se sont intéressées au concept de sécurité climatique. En Europe, la France est le premier pays à s’être doté d’une stratégie climat-défense, les réflexions stratégiques du ministère des Armées s’appuyant principalement sur les recherches de l’Observatoire défense et climat. Malgré cette prise en compte stratégique des enjeux climatiques, le financement de l’adaptation demeure secondaire au sein des dépenses mondiales de défense, qui atteignent pourtant des niveaux record.

Va-t-on devoir renoncer à intervenir dans certaines zones parce que les conditions climatiques les auront rendues « impraticables » ? 

Il est en effet difficile, aujourd’hui, de ne pas prendre en compte le facteur climat dans le financement des armements, étant donné les dysfonctionnements des systèmes électroniques, des moteurs ou des munitions causés par les températures extrêmes. C’est déjà le cas au Moyen-Orient, au Sahel ou dans la Caraïbe insulaire. Va-t-on devoir renoncer à intervenir dans certaines zones parce que les conditions climatiques les auront rendues « impraticables » ? Les infrastructures sont également concernées : bases militaires, ports, aéroports et dépôts d’armes sont bien souvent situés sur les littoraux, exposés aux inondations et à l’érosion côtière causées par la montée du niveau de la mer, ou bien encore par les ouragans – problématique de taille pour nos installations martiniquaises, par exemple. Les soldats eux-mêmes souffrent déjà de ce durcissement des conditions météorologiques qui compliquent leurs opérations. Ils seront encore davantage soumis à l’avenir au redoutable cocktail chaleur-humidité dont on sait qu’il expose à de graves problèmes de santé parmi lesquels les coups de chaleur, la déshydratation ou les maladies infectieuses.

Face au climat qui se dérègle, ce sont également les missions des forces armées qui se transforment, dans un contexte où les conflits autour des ressources naturelles s’aggravent et se multiplient.

De tels risques matériels et sanitaires auront d’autant plus d’effet sur les armées qu’elles seront de plus en plus sollicitées pour des opérations de secours à la population menacée par les aléas environnementaux. Face au climat qui se dérègle, ce sont également les missions des forces armées qui se transforment, dans un contexte où les conflits autour des ressources naturelles s’aggravent et se multiplient. Au Sahel, les affrontements entre éleveurs et agriculteurs pour l’accès à l’eau et aux terres arables sont exacerbés par les sécheresses, ce qui entretient l’instabilité et l’insécurité dans la région. Autre exemple, la guerre civile syrienne, dont on ne sait pas assez qu’elle a été largement provoquée par l’afflux de la paysannerie dans les villes à la suite des sécheresses prolongées dans la région.

À cet égard, les investissements mobilisés pour des développements technologiques qui ne relèvent ni de la réduction des émissions militaires ni de l’adaptation aux changements climatiques demeurent difficiles à justifier sur le long terme. Il est indispensable que les armées s’engagent fermement dans une politique d’atténuation pour prévenir les conflits liés aux changements climatiques. Elles doivent aussi renforcer leurs efforts d’adaptation des équipements et des infrastructures pour bâtir leur résilience face aux changements climatiques : des armements inadaptés à la planète de demain ne feront pas long feu. 

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