Une déclaration du général Defield sur BM TV :

« Notre culture militaire s’est structurée autour des grands principes de l’art de la guerre. Ils font partie de notre ADN. Si l’histoire n’a pas manqué de faire évoluer les doctrines, il y a des vérités fondamentales qu’un soldat, quels que soient son grade et son corps de métier, ne peut se résoudre à abandonner. Le premier, le plus évident de toutes : l’essence du combat est la dialectique des volontés. Que le conflit soit motivé par la préservation d’intérêts, de ressources naturelles ou de l’honneur national, il est toujours question de sauvegarder la résilience nationale. Le bien-fondé moral des entreprises guerrières a donné lieu à de nombreux travaux mais j’ai le sentiment qu’il faut nous préparer à un bouleversement anthropologique majeur dans notre manière d’envisager certains types de guerre qui seront amenés à jouer un rôle fondamental dans le futur. Je veux parler des conflits écosystémiques.

Il faut s’attendre à voir fleurir des choses étranges dans nos écosystèmes

On commence à voir apparaître en Amérique latine, en Horde d’Or et dans certains territoires du sud de l’Europe des bio-guérilleros urbains qui manipulent directement le monde vivant, et pas uniquement des agents reconnus comme des pathogènes. « La mode » chez ces biohackers consiste à transformer des bactéries inoffensives de l’intestin susceptibles d’agir sur le système nerveux afin de provoquer des graves dommages cérébraux plusieurs mois après l’inoculation. Le problème est que ces armes, ces « pétri-shnikovs » que l’on voit fleurir de manière imprévisible, ont des effets difficilement contrôlables. Ceux qui les utilisent réalisent souvent trop tardivement l’effet du retour à l’envoyeur, sans compter les dommages collatéraux sur leurs proches. Les indépendantistes catalans en ont fait les frais dès 2036. Deux ans après leur attaque biologique sur les salariés du journal démocratique espagnol, ce groupuscule d’extrême gauche exprima les mêmes symptômes de démyélinisation progressive de leurs membres supérieurs. On ignore encore aujourd’hui, cinq ans plus tard, le périmètre réel des atteintes, le nombre de personnes contaminées, le mode de transmission de la bactérie génétiquement modifiée et les manifestations symptomatiques. On a recensé des personnes ayant ce pathogène dans leur intestin mais qui ne semblent pas exprimer de symptômes nerveux, en tout cas pas pour le moment. Leur microbiote serait-il plus protecteur ? Vont-ils révéler des symptômes plus tard, ou sous une forme différente ? Sont-ils contagieux ? Nous n’en savons rien. Des études sont en cours pour déterminer la nature de cette protection.

Avec les séquences de toutes les protéines humaines et animales librement accessibles en ligne, la démocratisation du bricolage biologique ne va faire que s’intensifier dans les années à venir. On le sait : il faut s’attendre à voir fleurir des choses étranges et imprévisibles dans nos écosystèmes. La réglementation, envisageable seulement a une échelle internationale, sera très difficile à mettre en œuvre. Elle le sera d’autant plus que la tendance générale va vers une multiplication des usages domestiques des outils biologiques pour préserver les populations de la pollution atmosphérique. Ces usages vont naturellement se diversifier. Des dommages collatéraux vont survenir, ils sont susceptibles de toucher l’homme, son environnement immédiat ou lointain. Comment ferons-nous la part des choses entre le caractère non intentionnel de tels dommages et ce qui relève d’une déclaration ouverte de guerre ? Nous ne sommes pas en mesure de prédire l’aléa biologique aujourd’hui et il en sera très probablement de même demain. Les conflits écosystémiques posent d’insurmontables défis juridiques et diplomatiques puisqu’ils font naître ce paradigme, impensable pour nous militaires : celui de guerre sans cause. » 

 

Ces guerres qui nous attendent : saison 2

© Université Paris Sciences et Lettres – PSL, 2023 © Éditions des Équateurs/Humensis, 2023

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