Est-il de retour, ce temps où « dans le cauchemar des ténèbres / tous les chiens d’Europe aboient » ? W.H. Auden écrit cette ballade en octobre 1932. Les tuniques rouges évoquent l’armée britannique d’avant le XXe siècle, mais le propos est intemporel. La guerre approche, qui met à mal l’amour.  

Oh, qu’est-ce que ce bruit qui excite l’oreille,
Là-bas dans la vallée, ces tambours, ces tambours ?
Seulement les tuniques rouges, ma chérie,
 Les soldats qui s’approchent.

Oh, qu’est cette lumière que je vois qui brille
Malgré la distance, si claire, si claire ?
Rien que le soleil sur leurs armes, ma chérie,
 Ils avancent d’un pas léger.

Oh, qu’est-ce qu’ils font avec tout cet attirail,
Qu’est-ce qu’ils font, ce matin, ce matin ?
Seulement leurs manœuvres habituelles, ma chérie,
 Ou peut-être un avertissement.

Oh, pourquoi, là-bas, ont-ils quitté la route,
Pourquoi ont-ils soudain tourné, tourné ?
Peut-être un changement dans leurs ordres, ma chérie,
Pourquoi t’agenouiller ? 

Oh, est-ce qu’ils ne sont pas entrés chez le docteur,
N’ont-ils pas attaché leurs chevaux, leurs chevaux ?
Mais voyons, aucun d’eux n’est blessé, ma chérie,
 Aucun de ces soldats.

Oh, est-ce qu’ils cherchent le pasteur aux cheveux blancs,
Est-ce le pasteur, est-ce lui, est-ce lui ?
Non, ils dépassent son portail, ma chérie,
 Sans lui faire visite. (...)

Oh, où t’en vas-tu donc ? Reste ici avec moi !
Tes serments étaient-ils un mensonge, un mensonge ?
Non, j’ai promis de t’aimer, ma chérie,
 Mais il me faut partir.

Oh, brisée la serrure et la porte éclatée,
Oh, c’est au portail qu’ils tournent, qu’ils tournent,
Leurs bottes sont lourdes sur le plancher
 Et leurs yeux sont de flamme.

W.H. Auden, Poésies choisies, trad. (anglais) Jean Lambert, 1976
© Éditions Gallimard

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