« Il y avait une grande famine en Ukraine, Holodomor en ukrainien. Des millions de gens sont morts. Des villages entiers. Il n’y avait plus personne pour enterrer les cadavres… On tuait les Ukrainiens parce qu’ils ne voulaient pas travailler dans les kolkhozes. On les faisait mourir de faim. Je le sais, maintenant… […] Là-bas, la terre est tellement riche que si on plante un bâton, c’est un arbre qui pousse. Et pourtant ils mouraient… Ils crevaient comme du bétail. On leur avait tout pris, tout confisqué jusqu’à la dernière miette… Ils étaient encerclés par des troupes, comme dans un camp de concentration. Je le sais maintenant… […] Ceux qui le pouvaient rampaient vers les villes, vers les trains. Ils attendaient qu’on leur jette une croûte de pain… Les soldats les repoussaient à coups de pied, à coups de crosse… Les trains passaient à toute vitesse, les contrôleurs fermaient les fenêtres, tiraient les rideaux. Et personne… personne ne posait de questions. Les gens arrivaient à Moscou, ils rapportaient du vin, des fruits, ils étaient fiers de leur bronzage, ils parlaient de la mer. »

La Fin de l’homme rouge, ou le Dépassement du désenchantement, trad. (russe) Sophie Benech © Actes Sud, 2013

 

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