Henri Michaux - Sous le phare obsédant de la peur
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Ce n’est encore qu’un petit halo, personne ne le voit, mais lui, il sait que de là viendra l’incendie, un incendie immense va venir, et lui, en plein cœur de ça, il faudra qu’il se débrouille, qu’il continue à vivre comme auparavant (Comment ça va-t-il ? Ça va et vous-même ?), ravagé par le feu consciencieux et dévorateur.
*
Il est devant lui un tigre immobile. Il n’est pas pressé. Il a tout son temps. Il a ici son affaire. Il est inébranlable.
*
… et la peur n’excepte personne.
Quand un poisson des grandes profondeurs, devenu fou, nage anxieusement vers les poissons de sa famille à six cents mètres de fond, les heurte, les réveille, les aborde l’un après l’autre :
« Tu n’entends pas de l’eau qui coule, toi ? »
« Et ici on n’entend rien ? »
« Vous n’entendez pas quelque chose qui fait "tche", non plus doux : "tchii, tchii" ? »
« Faites attention, ne remuez pas, on va l’entendre de nouveau. »
Oh Peur, Maître atroce !
Le loup a peur du violon. L’éléphant a peur des souris, des porcs, des pétards. Et l’agouti tremble en dormant.
La nuit remue
© Éditions Gallimard, 1935
Nous sommes souvent notre propre bourreau, comme l’expliquait Baudelaire : « Je suis la plaie et le couteau ! / Je suis le soufflet et la joue ! » Et la peur est notre maître dans cette entreprise pour nous affaiblir. Mais une arme existe contre ce phare aveuglant. Celle d’Henri Michaux : la distanciation que permet l’humour.
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