Tout en menant une politique de droite, Emmanuel Macron a tenté de faire croire que le clivage entre gauche et droite n’avait plus de sens. Comme s’il n’y avait pas des intérêts opposés entre riches et pauvres, entre patrons et salariés, entre multinationales et citoyens. Dans ce contexte, il me semble important d’affirmer notre volonté d’une transition écologique, solidaire, démocratique, sans rien lâcher sur aucune de ces exigences qui ensemble font la gauche et nous opposent à la droite. Je pense que la gauche, par exemple, ne peut plus transiger sur la question de la décroissance matérielle et énergétique, aujourd’hui indispensable dans les pays riches. Elle ne peut pas non plus transiger sur la nécessité d’un partage des richesses, en France, et de la solidarité internationale.

Cette gauche ne peut se cantonner aux mouvements politiques, engagés dans les processus électoraux. Je ne nie pas l’importance de ces derniers, bien au contraire : j’ai l’espoir que la gauche arrive au pouvoir ces prochaines années. Mais je pense qu’aucun parti, mouvement ou coalition politique n’y arrivera sans des mouvements sociaux d’ampleur, des intellectuels et des citoyens engagés, sans des médias indépendants forts. Une fois la gauche au pouvoir, ces mouvements seront des relais indispensables pour mener à bien des politiques sociales et écologiques ambitieuses que les forces les plus réactionnaires et les lobbys feront tout pour entraver. Mouvements sociaux et médias indépendants sont également des contre-pouvoirs indispensables, quelle que soit la couleur politique des gouvernements.

La gauche est riche d’associations, syndicats, réseaux divers qui défendent ses valeurs. Des mouvements pour les intérêts des salariés, pour les droits des femmes, des migrants, des chômeurs, contre la destruction des écosystèmes, etc., portent des luttes sectorielles indispensables. Ils n’ont pas vocation en tant que mouvements à prendre les rênes du pouvoir institutionnel, mais ils pèsent dans les débats publics, dans les prises de conscience des gens, dans l’avancée des idées de gauche et, parfois, remportent des victoires concrètes et immédiates contre les pouvoirs publics et économiques en place.

Forment-ils un tout cohérent ? Sans doute pas. Mais ils portent des valeurs communes, de solidarité, de démocratie, d’accès pour toutes et tous aux droits humains fondamentaux. Ils s’opposent à un même système, le capitalisme financier. Un capitalisme qui se nourrit de l’exploitation à la fois du travail et de la nature, qui creuse les inégalités et qui pour continuer à s’imposer alors même qu’une partie toujours plus importante de la population, devient de plus en plus autoritaire et répressif. Voilà pourquoi toute politique qui ne romprait pas avec le capitalisme financier ne peut être ni de gauche, ni écologique, ni solidaire. Voilà pourquoi, par exemple, la politique d’Emmanuel Macron, qui refuse de remettre en cause la domination des multinationales et des grands investisseurs, est fondamentalement incompatible avec l’écologie. De même qu’elle s’avère de plus en plus clairement opposée à l’égalité des droits : en plus d’être néolibérale sur le plan économique, elle est illibérale sur le plan sociétal. 

Encore faut-il montrer que nous faisons bien face à un même système, à de mêmes adversaires. De mon point de vue, l’éducation populaire joue un rôle décisif pour montrer à qui et à quoi nous nous opposons : les multinationales, les grandes banques, la finance mondialisée ne sont pas des entités intouchables qui agissent dans un autre monde qu’on ne comprend pas. Elles sont pilotées et servent les intérêts d’une toute petite minorité d’ultrariches. À Attac, avec nos campagnes et nos actions de désobéissance civile, nous pointons ainsi du doigt les multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale ou les banques qui se servent de notre argent pour financer des industries toxiques. Et surtout, nous tentons de montrer que leurs agissements ont des conséquences dans notre vie quotidienne, quand par exemple nous allons aux urgences et qu’il faut attendre six heures faute de personnel suffisant ou quand nous ne trouvons pas de place en crèche pour nos enfants. Ainsi, les dizaines de milliards d’euros qui pourraient être récupérés chaque année en France par une lutte efficace contre l’évasion fiscale ou par une taxe sur les transactions financières permettraient de financer des services publics de qualité et une transition écologique, avec une création massive d’emplois utiles. Ce n’est pas de l’ordre de l’utopie, mais d’une volonté politique de se soustraire au capitalisme financier. 

Enfin, nous faisons face à une montée en puissance des droites nationalistes, se nourrissant du rejet du néolibéralisme économique et désignant de faux coupables (les étrangers, les musulmans…). Face au néolibéralisme économique d’Emmanuel Macron, Angela Merkel, Justin Trudeau et consorts d’un côté et, de l’autre, à la xénophobie de Donald Trump et de chefs de gouvernement de plus en plus nombreux, il me semble que l’altermondialisme n’a jamais été aussi nécessaire pour nourrir la gauche. Entre une mondialisation néolibérale et une antimondialisation xénophobes, doit s’imposer l’idée d’une autre mondialisation, fondée sur la solidarité entre les peuples, remettant en cause la domination des multinationales et le libre-échange des capitaux et des marchandises mais permettant la libre circulation des êtres humains… Avec des institutions internationales qui ne soient pas fondées sur la « libre » concurrence, mais sur la coopération internationale, indispensable notamment pour résoudre la crise climatique et ses conséquences. Sur tous ces sujets essentiels nos deux adversaires partagent nombre de propositions à l’antipode de nos valeurs. 

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