C’est une envie qui peut surgir à la fin des vacances devant cette mer accueillante, ce si joli village, cette beauté des paysages à couper le souffle. L’idée passe, fugace. Si on restait. Si on changeait de vie. Si on envoyait valdinguer métro et boulot ! Dans la réalité, les choses se passent rarement ainsi. On retourne au travail et le fantasme s’évanouit dans le fracas de la rentrée. Il est sans doute bien des manières de changer de vie. On peut changer de métier, de région, de pays. Changer de partenaire, de religion, de hobby ou de nom, de sexe aussi… Pour ce numéro de reprise, le 1 s’est concentré sur le changement de vie professionnelle qui s’accompagne souvent d’un changement de résidence. À l’évidence, l’opération n’est pas simple et la décision ne se prend pas sur un coin de serviette de bain. Pour changer de vie, il faut avoir déjà eu une vie. Et s’interroger sur ses motivations profondes. Pourquoi changer ? Et pour quoi faire ? Comment discerner entre ce qui relève de la lassitude, du coup de moins bien, et la véritable vocation mûrement réfléchie, qui s’impose peu à peu au point de rendre insupportable le statu quo ? Et si l’appétit de changement n’était qu’une illusion plus dangereuse que la sage stabilité. Comme si le bonheur était forcément ailleurs, dans le pré, dans un après différent.

S’il est impossible de mesurer l’envie de changement des Français – il s’agit plutôt de parcours individuels qui échappent à la statistique –, nos sociétés valorisent aujourd’hui ce que le sociologue Jean Viard nomme la discontinuité. Nous sommes appelés à vivre plus longtemps une suite de séquences plus courtes qu’autrefois. Le changement devient pour beaucoup une norme valorisée, souhaitable voire obligée, conséquence à la fois de la fin du plein-emploi et de la recherche forcenée d’un épanouissement personnel. Ce n’est pas tout à fait un hasard si un récent succès de librairie porte ce titre paradoxal : Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une (Raphaëlle Giordano, Eyrolles, 2015). Une vie, en effet. Encore faut-il choisir la bonne, celle qui nous ressemble et qui nous rassemble. 

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