Au 27 octobre, on comptait 220 000 morts du Covid-19 aux États-Unis, et près de 8,5 millions de cas d’infection. 130 millions d’Américains avaient déjà été testés. Ces quelques chiffres le disent : les États-Unis sont l’un des pays les plus touchés par la pandémie. Les États à forte composante urbaine comme New York ou la Californie ont été les premiers atteints. Aujourd’hui, ce sont ceux du Midwest qui connaissent une recrudescence de cas de Covid. Les conséquences socio-économiques ne sont pas à négliger. Avant le déclenchement de l’épidémie, le taux de chômage était stabilisé entre 3 % et 4 %. Il a atteint 14,7 % en avril. Il est depuis en diminution (7,9 % en septembre). Mais il reste un point d’attention important, tout comme les mesures de soutien corrélatives, comme l’aide alimentaire.

La mise sur le marché d’un vaccin anti-Covid est l’un des grands changements attendus pour 2021. Plusieurs essais cliniques sont en cours aux États-Unis. Le directeur de l’Institut fédéral des maladies infectieuses, Anthony Fauci, estime qu’un vaccin sera prêt en novembre ou décembre 2020. Sa production en masse devrait intervenir début 2021. Le candidat élu aura donc à sa disposition un outil de lutte contre la pandémie. Reste à savoir quelle sera son efficacité : suivant qu’il sera susceptible d’immuniser 50 %, 70 % ou 90 % de la population, la situation ne sera pas la même sur le plan sanitaire comme au niveau politique. Le temps de vacciner largement la population, port du masque et distanciation sociale resteront d’actualité pendant tout le premier semestre 2021.

L’avenir de la couverture santé en jeu

La Cour suprême va jouer un rôle important lors de la prochaine mandature, notamment en matière de politique de santé. Or, durant son mandat, Donald Trump a pu procéder à une refonte importante de sa composition. Désormais constituée de six juges républicains contre trois démocrates, la Cour est largement acquise aux idées conservatrices. Dès lors, la grande réforme de l’assurance santé d’Obama, dite « Obamacare », va-t-elle tenir le choc ? L’abrogation de cette loi, qui a permis d’assurer 20 millions d’Américains modestes, a été érigée par Donald Trump en promesse dont il a fait un constant cheval de bataille depuis sa première campagne électorale, en 2016.

Pourtant, il n’y est pas réellement parvenu. Comment l’expliquer ? Pour rappel, les élus républicains étaient très hostiles à cette loi : trop chère, trop interventionniste et trop libérale à leurs yeux ! Le remboursement de l’avortement, en particulier, avait froissé nombre de conservateurs. La Cour suprême avait d’ailleurs accordé des dérogations pour ne pas appliquer cet aspect de la loi. Mais les parlementaires républicains se sont finalement divisés sur ce sujet. Et des gouverneurs républicains ont souvent agi en sous-main pour préserver l’essentiel de cette réforme, qu’ils savaient populaire – y compris parmi leurs propres ouailles… – et qui dépendait d’un financement fédéral. Par ailleurs, la question est remontée à la Cour suprême qui, elle aussi, a refusé de retoquer la loi sur l’assurance santé. Preuve qu’une majorité de juges constitutionnels républicains ne suffit pas toujours.

Cependant, l’arrivée d’une juge constitutionnelle très conservatrice et ouvertement opposée à l’avortement, Amy Coney Barrett, proposée par Trump et confirmée par un Sénat à majorité républicaine à la veille de l’élection, modifie les équilibres politiques au sein de la Cour suprême. L’abrogation de l’Obamacare, comme celle du droit à l’avortement pour les femmes, pourrait rapidement revenir sur le tapis.

Une présidence démocrate changerait-elle radicalement la donne ?

En matière de lutte contre le Covid-19, Joe Biden a réaffirmé la nécessité d’appliquer les gestes barrières le plus largement possible. Rappelons qu’aux États-Unis, la santé publique est du ressort des gouverneurs des États. Le président n’a pas autorité pour ordonner le port du masque obligatoire ni toute autre mesure similaire sur l’ensemble du territoire. De plus, son pouvoir, s’il est élu, dépendra aussi de la majorité sur laquelle il pourra s’appuyer. Les démocrates devraient préserver leur majorité à la Chambre basse, et pourraient conquérir le Sénat. Si les républicains gardent leurs majorités, ils disposeront d’une force de blocage importante. Si les démocrates s’en emparent, cela octroiera plus de poids à un président Biden dans ses rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux.

Quant à la réforme du système de santé lui-même, Joe Biden a manifesté sa volonté de travailler à partir de la loi existante. Vice-président de Barack Obama pendant ses deux mandats, il reste attaché à cette réforme, et contrairement à la gauche démocrate, c’est un modéré qui récuse l’instauration d’une assurance santé universelle (Medicare for All). Son projet est de relancer la public option. Cette disposition avait été avancée dans une première version de la loi Obama, avant d’être abandonnée car trop clivante. Elle consiste à donner la possibilité aux Américains de souscrire une assurance santé gérée par l’État fédéral. Un tel système existe aujourd’hui uniquement pour les plus de 65 ans. Son extension reste controversée. Biden a dû rappeler qu’il ne toucherait pas aux assurances privées, socle historique de la couverture santé aux États-Unis, et qui se sont battues avec acharnement (et succès) contre cette option en 2009-2010. Pour que la donne soit susceptible de changer, il est nécessaire qu’elle ne soit pas jugée radicale…

Pourquoi la question plus large du système de santé est-elle au cœur des débats et des attentes des Américains ?

L’assurance santé est un enjeu politique important aux États-Unis depuis les années 1960. Sur ce terrain, deux conceptions se font face : certains la considèrent comme un droit (les démocrates) et d’autres la tiennent pour un choix (les républicains). Le rôle de l’État, protecteur face aux risques pour les uns, protecteur des libertés pour les autres, est en jeu. Par ailleurs, le secteur de la santé représente 18 % du PIB des États-Unis (presque deux fois plus que dans les grands pays européens). C’est aussi le premier employeur du pays. Les intérêts à maintenir des coûts élevés de santé sont donc puissants, non seulement du point de vue des entreprises, mais aussi de l’économie du pays tout entière. Problème : ce système est source de fortes inégalités et prive d’un accès aux soins des millions d’Américains. Un dilemme qui sera au cœur de l’agenda de la nouvelle présidence. 

 

 

 

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