L’image bien sûr est trop simple et même simpliste. Au moment où s’allument partout les lumières de Noël s’éteignent les feux de notre condition humaine. Les points chauds de ce constat sont plutôt des zones glacées. Comme la Manche en hiver, la Méditerranée aussi, que le froid n’épargne pas. Comme ces lieux hostiles disséminés le long de la frontière de la Biélorussie avec la Pologne, connus pour leurs températures nocturnes inférieures à zéro, ce qui n’empêche pas l’autocrate de Minsk, Alexandre Loukachenko, d’y masser des migrants venus du Moyen-Orient comme des armes invasives à l’encontre de l’Europe. Laquelle s’en protège en outrepassant ses pouvoirs de rétention et d’enfermement, au mépris de toutes les conventions internationales des droits de l’homme. Le signal est clair : on ne fait plus entrer personne.

Noël est dans les cœurs, la trêve des confiseurs (pas des passeurs), un semblant de réconfort dans cette période de tous les dangers sanitaires, identitaires et populistes, pour ne citer que les plus criants. Tout début décembre à Lesbos, le pape François n’a pas mis de guirlandes à son propos quand il a taxé l’Europe d’indifférence et dénoncé un « naufrage de civilisation » à l’œuvre en Méditerranée, voyant dans mare nostrum le reflet sombre d’une mare mortuum, refusant que cette « mer des souvenirs » devienne la « mer de l’oubli ». La veille, à Nicosie, il avait tonné contre l’« esclavage universel » des migrants, comparant les camps de réfugiés à des lieux « de détention et de torture ».

Des mots puissants, forts à entendre, en particulier pour ces demandeurs d’asile venus écouter le pape à Lesbos. « Nous sommes des humains, nous, les réfugiés, il faut nous traiter comme des humains, pas comme des prisonniers », témoignait un jeune migrant du Congo. Mais face à ces paroles, les actes qui se perpétuent en notre nom aux frontières de l’Europe nous font nous questionner sur la part d’humanité qui s’est perdue en nous, pour que collectivement nous acceptions l’inacceptable. Le non-accueil, la criminalisation de la solidarité, les refoulements de migrants au risque de leur vie, l’hécatombe maritime sans cesse recommencée, et consentie. Les esprits s’accoutument, au nom d’une rhétorique bien huilée : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », comme si ces hommes, ces femmes et ces enfants étaient forcément des misérables sans capacité autre que de mendier leur vie. On ouvrirait la porte aux terroristes, comme si les migrants étaient d’abord des criminels, ce qu’évidemment, ils ne sont pas.

Pour ce dernier numéro de l’année, le 1 a choisi le corrosif plutôt que le festif. Car cette question humaine, déjà plantée de la pire manière au cœur de la campagne électorale française, restera posée bien après que les lumières de Noël seront éteintes. 

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